Nos choix alimentaires sont guidés par de nombreuses motivations, notamment de santé. Ils sont toutefois au cœur d’un enjeu bien plus global que la santé individuelle et qui nous concerne, tous. Nous vivons en effet une période déterminante pour l’avenir de l’humanité et au cours de laquelle notre plan de conscience évolue, y compris dans notre rapport à l’alimentation. Nous sommes de plus en plus nombreux à considérer la place fondamentale qu’occupent nos choix alimentaires vis-à-vis du respect de la planète. A titre personnel, c’est en enseignant les enjeux mondiaux de l’alimentation à l’horizon 2050 au sein de l’école polytechnique fédérale de Lausanne que j’ai pris conscience que tout est lié et que LA solution relève avant tout du bon-sens, celui de la nature. Nous sommes un écosystème vivant dans un écosystème bien plus vaste et interdépendant.
Après avoir passé plusieurs décennies à prioriser le plaisir gustatif et le prêt-à-consommer au détriment de la qualité des aliments, les attentes et les comportements d’achat évoluent en profondeur. L’envie de cuisiner est de retour dans les foyers, l’engouement pour des achats plus responsables est croissant. Celui que je nomme “L’homo-consciencus” est né, partout dans le monde et dans chaque domaine, bien au-delà de l’alimentation. Tout en côtoyant le monde des objets connectés et de l’ère digitale, des projets sociaux-collaboratifs se créent chaque jour dans un état d’esprit optimiste. Un courant positif et responsable se développe, à l’image du mouvement Colibri de Pierre Rabhi, pour re-placer l’économie au service de l’homme et de la planète, et non plus l’inverse. Permaculture, circuits courts, économie collaborative. Autant de termes encore inconnus de la plupart il y a quelques années, qui deviennent aujourd’hui des axes de développement majeurs suscitant l’écoute attentive du monde économique. À juste titre, car il est urgent d’agir. À l’instar de l’écologie pour la santé de la planète, la nutrition est en effet au cœur de la santé de l’humanité. Pendant des décennies, nous avons préféré la rentabilité et le plaisir gustatif à la qualité des aliments. Nous ne mangions plus, nous consommions. Manger en conscience est pourtant le conseil le plus important que je puisse vous apporter. Agir en conscience dépasse d’ailleurs les frontières de l’alimentation. Il s’agit d’une philosophie, d’une façon d’appréhender la vie. Manger en conscience nous permet de détrôner la recherche du plaisir alimentaire immédiat et tant entretenu par une part importante de l’industrie agro-alimentaire. Il ne s’agit pas de supprimer le ravissement du palais, bien au contraire. Toutefois, ce plaisir se construit chaque jour, grâce au retour des saveurs originelles issues des produits bruts cultivés ou élevés dans le respect de la terre et des hommes. Alors, certes, une telle démarche sous-entend de se déshabituer progressivement des saveurs artificielles parfois (pour ne pas dire souvent) addictogènes, de décider de supprimer les aliments ultra-transformés de notre assiette. Rassurez-vous, il ne s’agit pas d’intellectualiser l’alimentation, au risque alors de basculer dans ce que l’on nomme désormais l’orthorexie (le contrôle permanent de l’alimentation équilibrée). Je vous invite davantage à vous re-connecter à votre alimentation, ce fabuleux levier à votre disposition pour prendre soin de votre santé, dans le plaisir et le respect de l’environnement.
À l’image du colibri, ce que nous mettons dans notre assiette influence l’avenir de la collectivité. L’élevage, la culture, les modes de production, de transport, d’achat et de consommation sont autant de facteurs modifiant la qualité nutritionnelle des aliments mais également l’équilibre environnemental. Mieux manger nécessite indéniablement de porter un regard holistique sur l’alimentation, mais génère alors des questionnements de fond sur les conséquences de nos décisions alimentaires. Prenons quelques exemples. La culture d’un kg d’amandes exige environ 8 000 litres d’eau, deux fois plus si les amandes sont décortiquées. Environ la moitié de la production est pourtant réalisée en Californie alors que la situation hydrique y est alarmante. La noix de cajou, principalement produite en Afrique de l’est, en Inde, au Vietnam et au Brésil, exige quant à elle environ 14 000 litres par kg. L’avocat est principalement cultivé en Amérique Latine (Mexique, Pérou) et aux Caraïbes (République Dominicaine), son empreinte hydrique est cent fois plus élevée que celle d’une pomme de terre, à laquelle doit s’ajouter le bilan carbone du transport par avion ou par bateau. Doit-on, au nom d’une meilleure alimentation, prioriser ces aliments au détriment de produits locaux ? Si je porte un regard nutritionnel, je réponds oui sans hésitation. Si je considère l’impact global de tels choix, ces aliments méritent sans doute une place, au demeurant modeste au profil d’une alimentation locale. Nos agriculteurs vivent une période alarmante, dramatique pour certains. Peut-être achetez-vous une tomate cultivée en Espagne alors qu’un agriculteur à quelques km de chez vous jette sa récolte, faute de légumes esthétiques, de choix uniquement de saison, de compétitivité économique suffisante ? Une enquête menée par Médiaprism en France en 2015 révèle quant à elle que 40% des personnes interrogées consomment des tomates en plein hiver (76% occasionnellement), bien que 85% d’entre-elles se disent attentives à l’origine et 89% à la saison des aliments. L’action ne suit pas toujours l’intention. Lorsqu’un yaourt est fabriqué à partir de lait issu d’Europe de l’Est alors que l’éleveur de proximité jette le sien, où se situe la logique ? Un aliment parcourt en moyenne 2400km avant de parvenir dans une assiette aux Etats-Unis.
Chaque seconde, plus de 41 200 kg d’aliments sont jetés dans le monde. En France, un foyer produit environ 1,5 tonne de déchets par an, dont 20 kg de nourriture par habitant rien qu’à domicile. Au niveau mondial, 26 % de la production générale des denrées alimentaires dédiées à la consommation humaine, 30 % des céréales produites, 30 % du poisson pêché, 20 % de la viande issue de l’élevage et des produits laitiers qui en découlent sont gaspillés chaque année, soit l’équivalent de 1,3 milliards de tonnes. Le gaspillage alimentaire se répartit selon cinq principales étapes : la production, le stockage, la transformation, la distribution et la consommation des denrées. Les premières sont les principales causes de gaspillage dans les pays en développement, les dernières le sont dans les pays occidentaux. À l’échelle individuelle, un occidental gaspille en moyenne 95 à 115 kg par an, contre 6 à 11 kg pour un habitant de l’Afrique Sub-Saharienne. Le coût économique du gaspillage est estimé à environ 990 milliards de dollars, dont plus des deux-tiers attribués aux pays industrialisés.
L’empreinte hydrique d’un seul du malheureusement célèbre Big Mac est de 2400 litres alors que celle d’un kilo de légumes est à peine de 500 litres…
Que penser de ce constat ? Nutrition, environnement, économie, évolution démographique, vieillissement de la population : les solutions existent. Elles doivent être pensées à l’échelle politique, mais aussi et surtout à l’échelle individuelle. En tant que consomm-acteurs, nous avons entre nos mains le pouvoir d’influencer l’ensemble du système agro-alimentaire, en faisant évoluer l’offre grâce à nos demandes. Une de nos forces, quoi que l’on en dise, se situe en effet dans notre portefeuille. En valorisant les productions locales et de nombreuses variétés oubliées, en optimisant la qualité nutritionnelle des aliments par la reconsidération de la nourriture des animaux et de l’ensemble de la chaîne de valeur alimentaire, en acceptant de payer le juste prix des aliments de qualité (si besoin au détriment du dernier smartphone) directement aux producteurs, de passer du temps à cuisiner, à faire la vaisselle, à partager un moment convivial entre amis ou en famille, vous agissez pour votre santé certes, mais aussi pour celle de nos enfants et de la planète. A l’heure où les médias ne cessent d’alerter sur l’urgence à agir pour limiter le réchauffement climatique et la destruction de la biodiversité, gardons bien à l’esprit que ce que nous décidons de mettre dans notre assiette est un des leviers les plus simples et les plus efficaces dont nous disposons. Alors…êtes-vous prêt(e) à devenir un colibri de la nutrition positive ?
J’avais envie de vous partager ce texte, écrit initialement il y a bientôt cinq ans mais qui est plus que jamais d’actualité. Si vous souhaitez devenir vous aussi, un colibri de la nutrition positive, voici tous mes conseils en pratique : Comment devenir un colibri de la nutrition positive ?
Anthony Berthou
Bonjour,
quelle belle expression “être un colibri de la nutrition” merci ! Oui les consommacteurs ont le pouvoir de faire autrement !
Marie
Bonjour,
Quel bel article !
Il est vrai que beaucoup d’entre nous souhaitons améliorer nos modes consommations, mais qu’il est parfois difficile de mettre ses souhaits à l’actions. En tant que professionnel de santé, j’essaye de transmettre modestement le “bien manger” autour de moi. Le “bien manger” qui regroupe beaucoup d’aspect : environnemental, santé, éthique … J’entends souvent me répondre “A quoi bon, ce n’est pas moi seul qui aurai un impact global”. Je pense que nous ne sommes pas assez conscient de l’impact que nous avons en choisissant notre mode de consommation.
J’aimerais agir plus, l’alimentation est pour moi le sujet le plus important de notre temps tant elle a un impact sur de nombreux aspects.
Merci pour vos articles,
Marius
Consommer bien est un science. Il faut savoir comprendre les rouages de notre société pour liberer son libre arbitre !
Gérald
Oui super intéressant,même si je n’ai pas l’impression de jeter toute cette nourriture!!!: jardin potager compost depuis 41 ans,mais hélas,je e connaissais pas l’impact hýdrique des noix ds cajou etc….. mais sije pense que les restos ou hôtels jettent des quantités considèrables de nourriture ou même super marchés….
Il faudrait créer un mouvement avec les professionnels de santé nutrioniste et diététicienne ! Que l on partage a fond votre concept de Colibri !
Je serai ravie de collaborer avec vous si cela vous dit …plus fort ensemble ?
Avec plaisir Claire ! Vous pouvez me contacter via la zone contact à ce sujet.