A l’heure du café et de la lecture des nouvelles de la journée, voici de quoi effrayer ou forger un avis orienté dès la première page…
Une nième vision caricaturale de l’utilisation des compléments alimentaires. Ce qui est mis en avant :
- Certes, les défauts de traçabilité et les risques de contamination existent. Comme dans toute filière. La réglementation Française ou Suisse est suffisamment étoffée pour limiter fortement les risques de fraude, même si elle ne pourra jamais en garantir l’absence totale, comme dans tout secteur. A l’heure où il est possible d’acheter des médicaments en Inde sans aucune garantie, l’enjeu est davantage dans la sécurité des achats par internet que dans la remise en question spécifique des compléments alimentaires. Bien sûr, utiliser des compléments alimentaires à l’aveugle présente des risques, mais alors pourquoi limiter la question à leur cadre et répéter incessamment ce argument ? Les personnes consommant plusieurs grammes par jour de paracétamol comme de vulgaires bonbons ont elles connaissance des risques hépatiques ? Mentionne-t-on la teneur en acides gras trans sur les étiquettes des aliments transformés ? Légifère-t-on leur teneur ? Le parlement commence juste à statuer sur le sujet depuis moins d’un mois alors que le Danemark a mis en évidence les effets bénéfiques d’une telle législation sur la prévention des risques cardio-vasculaires depuis… 2003. La FDA elle-même reconnaît queleur consommation n’est pas dénuée de risques : à quand une mention derrière les emballages de biscuits, de croissants industriels ou de pizzas ?
- Les histoires de créatine et de protéines en poudre sont encore et toujours mises en avant. Comme toute démarche alimentaire spécifique, elle doit être réalisée avec un minimum de connaissances ou encore mieux, d’accompagnement. Ce raisonnement est valable pour toute pratique de régime spécifique, à l’image des jeûnes non encadrés ou des diétes hyperprotéinées à la Dukan.
- L’utilisation de levure de riz rouge est désormais elle davantage encadrée du fait de son activité statine-like et de la présence de monacoline K. Encore une fois, l’enjeu est davantage la sensibilisation à l’utilisation des produits que leur dangerosité. Les quelques 7 millions de personnes consommant des statines sont-elles au courant des risques de rhabdomyolyse et autres effets secondaires …. ?
- Le jus de pamplemousse. Je ne connais pas encore de gélules à base de jus de pamplemousse… ni de démarche d’étiquetage spécifique des industriels en proposant dans les linéaires de supermarchés. Effectivement, un composé spécifique (la naringénine) inhibe l’activité des enzymes du complexe cytochrome P450 de la première phase de détoxication et donc doit être évitée en cas de prise de statines, benzodiazépines ou ciclosporine et autres traitement anticancéreux notamment. Mais où est le lien avec les compléments alimentaires ? Attention à la confusion visant à entretenir le scepticisme.. Idem pour la vitamine K : s’il y a une vitamine rarement utilisée dans les compléments alimentaires, c’est bien celle-ci… Il est avant tout du ressort du médecin (et du pharmacien) que d’alerter sur les interactions possibles et les conseils alimentaires associés, aussi délicate soit cette tâche, voire quasi-impossible. Le même discours pourrait-être tenu pour le Millepertuis avec l’hypericine qui, lui, est concerné par la réglementation des compléments alimentaires. Tous les médecins et pharmaciens informent-ils systématiquement leurs patients en ce sens (même raisonnement pour l’utilisation de la vitamine K) ?
- Et finir par la sempiternelle mangeons équilibré et tout ira bien. En sommes-nous encore à ce raisonnement en 2016 ?
Les plaidoyers à charge sont toujours construits sur la base de mêmes arguments, avec des articles clairement orientés pour entretenir le caractère anxiogène, inutile voire dangereux des compléments alimentaires pour reprendre les propos. Il est évident que la consommation de compléments alimentaires peut présenter des risques et il est juste d’alerter la population. En ce sens, un tel article a toute sa place et le contenu du texte est, sur le fond, juste (à condition de bien préciser les précautions liées à la consommation de compléments alimentaires et non d’aliments). Par contre le titre, induit lui une interprétation bien différente, sauf si on se limite à la conclusion de l’article. Mais encore faut-il aller plus loin dans l’argumentation, sur la base d’un état de l’art exhaustif.
Comme quoi, l’emplacement d’une lettre peut modifier le sens d’une phrase… De : “Les compléments alimentaires ? Inutiles voire dangereux pour la santé “, pourquoi ne pas proposer “Les compléments alimentaires : inutiles voire dangereux pour la santé ?
Si un grand média est intéressé pour échanger objectivement sur le sujet et non pour simplement vulgariser leur dangerosité, je serai ravi d’être leur homme !
Anthony Berthou
Bonjour Anthony
Merci pour cet article dont je partage le sens et la justesse, une remarque cependant concernant les pharmaciens , je suis d’accord avec vous sur le fait de faire encore plus attention lorsque nous délivrons des compléments alimentaires au même titre que les médicaments mais je vous rassure je suis au courant des risques encourus de certaines associations, le soucis peut aussi provenir de certains circuits peu scrupuleux et qui pour le coup ignorent totalement ces effets délétères, je pense que vous savez de qui je parle…
Lorsque nous avons le patient en face de nous, il arrive souvent qu’il oublie de nous dire qu’il utilise d’autres produits dont il ignore totalement la dangerosité potentielle, même quand on leur pose la question.
Encore une fois je suis d’accord que des efforts constants doivent être entrepris de notre part pour informer et guider l’utilisateur final mais pourquoi les autres circuits n’y sont ils pas tenus alors que pour certains ils “vendent” beaucoup plus que nous vu qu’ils n’ont qu’une logique commerciale ?
merci pour cet article
Bonjour Amarti,
Merci et vous avez tout à fait raison. Loin de moi la volonté de remettre en question la qualité du travail du pharmacien (ou du médecin) vis-à-vis de l’information des interactions possibles (ce qui sur le fond est d’ailleurs une mission quasi-impossible). Je souhaitais juste ici préciser que l’argument mis en avant de l’interaction entre le jus de pamplemousse (ou la vitamine K) et certains traitements n’a aucunement sa place dans un article clairement à charge contre les compléments alimentaires (au moins dans le titre de première page, très efficace lui dans son accroche…).
Super article !
Regarder bien tous les additifs 9 en tout, dont le E150, E340,E120.