Que peut bien signifier cette abréviation ? Avant de définir ce qu’est l’indice ORAC et ses intérêts, rappelons-ce que le stress oxydant ou oxydatif…
Qu’est-ce que le stress oxydant ?
Les radicaux libres, ou ROS (Reactive Oxygen Species), sont des molécules instables dérivant directement de la respiration. Environ 2% de l’oxygène consommé est à l’origine de la production de ces radicaux libres. Il s’agit donc d’un mécanisme physiologique permanent, indispensable à la vie. La nature étant bien faite, si ce stress oxydant existe, c’est qu’il joue en effet des rôles bénéfiques. Vos cellules immunitaires ont par exemple besoin de lui pour vous défendre contre les inflections, de même que l’inflammation générée suite à une blessure ou à une intervention chirurgicale est indispensable pour permettre le processus de cicatrisation. L’adaptation cellulaire à l’effort régulier et l’augmentation des performances qui en découle est également conditionnée à l’existence d’un stress oxydant contrôlé, ponctuel et local. La consommation plus importante d’oxygène engendre en effet une élévation du stress oxydant, les radicaux libres stimulent alors la production de cytokines, entraînant une cascade de réactions inflammatoires. Les cellules immunitaires sont recrutées sur le site de l’inflammation et vont aider à « nettoyer » et réparer les dommages tissulaires.
Toutefois, lorsque les productions sont trop importantes ou les capacités de défenses insuffisantes, le même stress oxydant risque se propager. Pour se protéger, l’organisme dispose alors de systèmes de protection endogènes, des complexes enzymatiques présents dans les mitochondries et le cytosol des cellules :
- La Glutathion Peroxydase (GPx) est formée de 4 sous-unités contenant chacune un atome de sélénium incorporé dans une molécule de sélénocystéine.
- La Superoxyde Dismutase (SOD) catalyse la dismutation du superoxyde, un radical libre formé lors d’un stress oxydant.
- La catalase permet la transformation du peroxyde d’hydrogène.
Le bon fonctionnement de ces systèmes endogènes est dépendant de la présence de certains minéraux, à savoir le Zinc, le Sélénium, le Manganèse et le Cuivre.
Indépendamment de ces systèmes de protection interne de l’organisme, l’alimentation regorge de puissantes molécules anti-oxydantes , les célèbres vitamines A, C et E, mais aussi de nombreux actifs végétaux, telle que la famille des polyphénols. Vous pouvez retrouver quelques exemples d’anti-oxydants et leurs propriétés spécifiques dans mon article sur les fruits et légumes de novembre ou de décembre.
Lorsque votre alimentation est insuffisamment riche en antioxydants, en toute logique les risques de stress oxydant prolongé et incontrôlé augmentent, ceux de l’attaque cellulaire avec. L’excès de radicaux libres va en effet altérer de nombreuses structures cellulaires : glucidiques (mécanisme dit de glycation), lipidiques (lipopéroxydation), protéiques, voire l’information génétique elle-même, la structure d’ADN, favorisant ainsi fortement les processus de cancérogénèse. D’une manière générale, ces oxydations contribuent à la perte de fonctionnalité des cellules et à leur vieillissement accéléré. On peut ainsi citer l’oxydation du cholestérol, marqueur essentiel de protection cardio-vasculaire. Davantage que votre taux de LDL-cholestérol (ce que l’on appelle à tord le mauvais cholestérol), c’est en effet le LDLox pour LDL-oxydé, qui augmente les risques d’athérosclérose et plus globalement cardio-vasculaires.
Tout est donc une question d’équilibre… Encore et toujours. Retrouvez d’ailleurs mon article sur la désadaptation à l’effort, les rôles de l’alimentation sur le contrôle de l’inflammation ou encore les intérêts relatifs d’une prise d’anti-oxydants en phase de récupération.
L’indice ORAC
ORAC est l’acronyme pour « Oxygen Radical Absorbance Capacity » ou Capacité d’absorption des radicaux dérivés de l’oxygène. Cet indice permet de déterminer le pouvoir antioxydant d’un aliment. L’idée est simple : plus l’indice ORAC est important, plus l’aliment possède quantitativement de propriétés antioxydantes.
Le principe de mesure de l’indice ORAC est basé sur l’oxydation par les radicaux libres d’une sonde fluorescente (fluorescéine) et sur la capacité des anti-oxydants étudiés à absorber ces radicaux libres. A l’instar du glucose pour l’index glycémique, l’antioxydant de référence utilisé pour les mesures ORAC est le Trolox, abréviation du nom un peu plus barbare d’acide 6-hydroxy-2,5,7,8-tetramethylchroman-2-carboxylique (en clair, il s’agit d’un analogue synthétique de la vitamine E, mais soluble dans l’eau).
La quantification se mesure ensuite en calculant l’aire sous la courbe de l’échantillon testé et en la comparant à celle du Trolox. Vous obtenez alors l’indice ORAC, exprimé en µmol TE pour 100 g d’aliments (TE = équivalent Trolox) : 1 unité ORAC est équivalente à la protection nette par 1 micromole de Trolox.
D’autres mesures sont également utilisées pour quantifier la capacité anti-oxydante d’échantillons alimentaires ou prélèvements biologiques. Par exemple les valeurs :
- TRAP : Total Radical-trapping Antioxidant Parameter. De la même manière que le test ORAC, il évalue l’activité anti-oxydante par piégeage de radicaux différents, comme les peroxydes ROO •.
- FRAP : Ferric ion Reducing Antioxidant Power. Il mesure la capacité anti-oxydante des aliments selon leur capacité de réduction des ions ferriques en ions ferreux.
- TEAC : Trolox Equivalence Antioxidant Capacity. Cette méthode est basée sur la capacité d’un échantillon à inhiber la formation du radical ABTS (ABTS•+) issu de la réaction entre le composé chimique ABTS (acide 2,2′-azino-bis(3éthylbenz-thiazoline-6-sulfonique)) et le persulfate de potassium (K2S2O8). Le radical ABTS•+ a normalement une couleur allant du bleu au vert. L’ajout d’anti-oxydants réduit la formation de ce radical et entraîne une décoloration du mélange, mesurée par spectrophotométrie.
Avantages et limites de la mesure ORAC
Comme tout index, il s’agit d’une valeur moyenne, calculée sur la base d’échantillons et devant être considérée en conséquence. En fonction du mode de culture, de conservation et de cuisson, les variations peuvent être importantes pour un même végétal. Par ailleurs, l’indice ORAC ne considère pas la spécificité de certains antioxydants (ex. la lutéine intervient de manière significative sur les prévention de la DMLA pour Dégénérescence Maculaire Liée à l’Age). Ainsi, un végétal peut posséder un indice ORAC relativement faible mais s’avérer très intéressant pour une indication donnée : attention donc à ne pas se baser uniquement sur cet indice pour juger de la qualité anti-oxydante des végétaux.
Pour optimiser son statut anti-oxydant en dehors de situations spécifiques (activité intense, exposition aux polluants, UV, traitement médicamenteux, etc.), les besoins sont estimés entre 3000 et 5000 unités ORAC par jour, avec un minimum quotidien de 2000 unités ORAC.
Exemple de valeurs d’indice ORAC de quelques végétaux
Aliment |
Portion |
Indice ORAC |
Indice ORAC |
|
moyenne(g) |
portion |
(/100 g) |
Baies d’açai |
15 |
15405 |
102700 |
Cacao (poudre, non sucré) |
15 |
8348 |
55653 |
Artichaut cuit |
80 |
7533 |
9416 |
Grenades |
150 |
6719 |
4479 |
Pomme (Granny Smith) |
150 |
5847 |
3898 |
Clou de girofle |
2 |
5806 |
290283 |
Brocolis cuits |
200 |
4320 |
2160 |
Orange |
200 |
4206 |
2103 |
Chocolat noir (> 70% cacao) |
20 |
4163 |
20816 |
Figues (3) |
120 |
4060 |
3383 |
Origan |
2 |
4003 |
200129 |
Prunes (2) |
60 |
3660 |
6100 |
Épinard |
200 |
3030 |
1515 |
Pêche |
150 |
2883 |
1922 |
Noix de pécan |
15 |
2691 |
17940 |
Cannelle moulue |
2 |
2628 |
131420 |
Mangue (1/2) |
200 |
2600 |
1300 |
Curcuma |
2 |
2541 |
127068 |
Baies de sureau |
15 |
2205 |
14697 |
Fraises |
60 |
2146 |
3577 |
Poivron jaune cru |
200 |
2086 |
1043 |
Noix |
15 |
2031 |
13541 |
Poivron vert cru |
200 |
1870 |
935 |
Pruneaux secs |
25 |
1638 |
6552 |
Framboises |
30 |
1520 |
5065 |
Persil sec |
2 |
1487 |
74349 |
Noisette |
15 |
1447 |
9645 |
Mûres |
30 |
1401 |
4669 |
Citron (sans peau) |
100 |
1346 |
1346 |
Pistache |
15 |
1197 |
7983 |
Kiwi |
90 |
1089 |
1210 |
Abricots (2) |
90 |
999 |
1110 |
Banane |
125 |
994 |
795 |
Curry en poudre |
2 |
970 |
48504 |
Carotte crue |
125 |
871 |
697 |
Raisin rouge |
60 |
756 |
1260 |
Tomate crue |
130 |
710 |
546 |
Amandes |
15 |
668 |
4454 |
Sauge |
2 |
640 |
32004 |
Tomate cuite |
150 |
635 |
423 |
Thym |
2 |
549 |
27426 |
Radis crus (5) |
25 |
438 |
1750 |
Melon |
100 |
315 |
315 |
Pastèque |
200 |
284 |
142 |
Poivre noir |
0,5 |
138 |
27618 |
Ail |
2 |
114 |
5708 |
Thé vert infusé |
7 |
88 |
1253 |
Huile d’olive |
10 |
37 |
372 |
Persil frais |
2 |
26 |
1301 |
Tous droits réservés – www.sante-et-nutrition.com – Novembre 2016
Bon appétit !
Anthony Berthou
Sources :
Haytowitz DB, Bhagwat S. USDA Database for the Oxygen Radical Absorbance Capacity (ORAC) of Selected Foods, Release 2. U.S. Department of Agriculture, May 2010.
Huang D, Ou B, Prior RL. The Chemistry behind Antioxidant Capacity Assays. J. Agric. Food Chem. 2005, 53, 1841−1856.
Cao G, Alessio HM, Cutler RG. Oxygen-radical absorbance capacity assay for antioxidants. Free Radic Biol Med. 1993 Mar;14(3):303-11.
Zulueta A, Esteve MJ, Frígola A. ORAC and TEAC assays comparison to measure the antioxidant capacity of food products. Food Chemistry 114 (2009):310–316.
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