Pour aller à l’essentiel
Notre santé dépend de la santé de notre intestin. Plus précisément, il existe un écosystème intestinal dépendant de 3 piliers essentiels et interdépendants :
- Le microbiote, constitué d’environ 100 000 milliards de bactéries et pesant plus de 1,5 kg. Une dysbiose est le terme technique désignant une altération de l’équilibre microbien intestinal
- La muqueuse intestinale, représentant environ 300 m²
- Le système immunitaire, 70% des cellules de l’immunité subissent une phase de maturité dans l’intestin
Il existe de nombreux facteurs pouvant être à l’origine d’un déséquilibre de l’écosystème intestinal :
- Une insuffisance de fibres pendant la grossesse
- Un accouchement prématuré, par césarienne et/ou l’absence d’allaitement pendant les premiers mois de vie
- Une diversification alimentaire inadaptée
- Une prise d’antibiotiques, d’anti-inflammatoires ou de certains médicaments
- Un défaut de mastication
- Un manque de fibres prébiotiques ou, à l’inverse, un excès de glucides chez des personnes sensibles
- Un excès de protéines, surtout animales
- Une alimentation riche en graisses saturées (hors régime cétogène, pour lequel les données sont hétérogènes à ce jour)
- Les produits ultratransformés, notamment ceux riches en fructose
- La consommation d’édulcorants, notamment aspartam, sucralose et stevia
- L’exposition aux polluants (pesticides, bisphénol, phtalates, glycosate, etc.) ou aux additifs, notamment au polysorbate 80 et au dioxyde de titane (interdit désormais dans l’alimentation mais pas dans les cosmétiques et les médicaments)
- Les infections digestives (ex. Candida Albicans)
- La sédentarité ou la pratique sportive intensive
- Le stress chronique
- La dette de sommeil
La perturbation de cet écosystème intestinal peut être à l’origine de troubles et maladies dites de civilisation :
- Une fatigue chronique
- Des troubles digestifs : ballonnements, gaz, inconfort, douleurs intestinales
- Des troubles inflammatoires ou immunitaires se caractérisant par une inflammation localisée (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique), voire une inflammation généralisée (fibromyalgie, sclérose en plaques, polyarthrite rhumatoïde, douleurs inflammatoires chroniques, arthrose, etc.)
- Une baisse des défenses immunitaires, en particulier au niveau des muqueuses (risques accrus de bronchites, otites, sinusites, etc.), une candidose ou au contraire une augmentation des risques d’hypersensibilités alimentaires, d’allergie voir de pathologie auto-immune
- Des troubles métaboliques : obésité, diabète, maladies cardiovasculaires, hypertension artérielle, etc
- Des troubles de l’humeur, voire des dépressions, mais aussi l’autisme, les troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité, les maladies de Parkinson ou d’Alzheimer
- Des risques accrus de cancer
En pratique :
-
- Prenez le temps de bien mastiquer.
- Variez votre alimentation riche en fruits et légumes, construite sur la base du modèle méditerranéen et privilégiez les aliments prébiotiques, notamment les bananes, les artichauts, l’ail, les oignons, les topinambours, le potiron, les poireaux, les asperges, les salsifis, les feuilles de chicorée et le seigle complet. Les aliments contenant de l’amidon résistant sont les grains de céréales entiers, le sarrasin, les légumineuses ou les produits céréaliers consommés froids après cuisson, comme par exemple le riz.
- Consommez au moins 30 aliments d’origine différente par semaine.
- Faites la part-belle aux polyphénols : petites baies colorés (mûres, myrtilles, framboises, etc.), légumes, thé vert, cacao, oléagineux (noix, noisettes et amandes), pommes, céréales complètes, café, gingembre, curcuma. Préservez au maximum les propriétés de ces aliments en les consommant les frais dans la mesure du possible, crus ou cuits à la vapeur et assaisonnés avec de l’huile (fruits et légumes).
- Attention aux facteurs antinutritionnels et aux perturbateurs intestinaux : bien faire tremper vos légumineuses (sauf les lentilles corail), voire les oléagineux, les amandes notamment et l’avoine sous forme de porridge, au moins 12 heures avant leur consommation et bien les cuire. Si vous consommez des pommes de terre, les préférer les plus fraiches possibles et les moins choquées puis les consommer rapidement sans la peau. Hormis la friture, le mode de cuisson ne modifie pas la teneur en solanine1. Si vous êtes concerné(e) par une hyperperméabilité, évitez les tomates voire les aubergines, le poivre, le piment (y compris doux) et le paprika.
- Consommez des aliments lactofermentés : légumes (type choucroute), pickles, pain au levain, olives noires, kimchi, fromage au lait selon tolérance, kéfir, kombucha, thé Pu-erh. Les quantités sont à adapter selon votre propre sensibilité intestinale, dans la mesure où ils pouvant générer des ballonnements et des gaz.
- Privilégiez les graisses de qualité (voir mes conseils sur le choix des graisses)
- Limitez votre consommation de viande, surtout d’élevage intensif.
- Optez pour une alimentation la plus pauvre possible en contaminants et molécules chimiques. Préférez les aliments d’origine biologique voire issue de biodynamie, supprimer tous les édulcorants de votre alimentation et de manière générale le maximum d’additifs (notamment le carboxymethylcellulose E466 et le polysorbate 80 E433). Évitez les produits cosmétiques contenant du dioxyde de titane E171, les composés plastiques contenant des bisphénols ou des phtalates.
- Limitez, lorsque c’est possible, le recours aux antibiotiques ainsi que les anti-inflammatoires.
- Pratiquer le jeûne intermittent ou la restriction calorique semble bénéfique pour le microbiote, notamment si vous souffrez d’obésité.
Si vous souffrez d’inconfort digestif ou d’inflammation intestinal, voir mon article sur le sujet.
Que penser du gluten ?
En cas de maladie cœliaque, ataxie au gluten (maladie auto-immune atteignant le système neurologique), dermatite herpétiforme (maladie cœliaque touchant la peau) ou d’allergie au blé, le gluten doit être supprimé définitivement et totalement (ou le blé dans le cas de l’allergie au blé).
Dans les autres cas, l’éviction du gluten se décide de manière individuelle selon l’existence de plusieurs facteurs : perturbation du microbiote, agression de la muqueuse intestinale et prédisposition immunitaire. Il existe de nombreuses situations au cours desquelles il peut être intéressant de limiter, voire de supprimer le gluten. Elles sont regroupées sous le terme « d’hypersensibilités non cœliaque au gluten » : douleurs abdominales, brûlures épigastriques, rétention d’eau, nausées, diarrhées, constipation, maux de tête, fatigue chronique, troubles immunitaires (susceptibilités aux infections, hypersensibilités à d’autres aliments ou composés non alimentaires, pathologies auto-immunes), troubles inflammatoires (en particulier au niveau ostéo-articulaire ou des microcapillaires), voire troubles du comportement (autisme, troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité). Certaines personnes se plaignant d’une faible tolérance au gluten sont en réalité sensibles à certaines fibres alimentaires, regroupées sous le terme de FODMAPS, ou à d’autres composés présents dans le blé ou les produits ultra-transformés.
Si vous vous sentez concerné(e) par l’une de ces situations, il est possible de tester la suppression totale des aliments contenant du gluten pendant 6 semaines afin d’analyser l’évolution de vos symptômes et de poursuivre ou non l’éviction en conséquence. Toutefois, je vous recommande d’être accompagné par un professionnel de santé formé à la nutrition afin de définir si cette éviction à long terme se justifie dans votre situation.
Qu’il existe ou non une hypersensibilité, je vous conseille de privilégier les produits à base de petit épeautre plutôt qu’au froment, beaucoup plus riche en gluten, ainsi que les produits bruts afin de limiter l’apport de gluten via les produits transformés industriels. Nous sommes en effet actuellement fortement exposés au gluten, ce qui peut expliquer en partie l’augmentation de l’hypersensibilité à cette protéine dans un contexte de perturbation du microbiote intestinal. En savoir plus sur mes conseils concernant le gluten.
Et les produits laitiers ?
Il existe dans les produits laitiers à base de lait de vache, certaines protéines pouvant être également à l’origine d’hypersensibilité, les caséines. Remplacer les produits laitiers à base de lait UHT par des produits au lait cru d’origine fermière peut parfois suffire à faciliter leur bonne tolérance. Je vous conseille de limiter votre consommation de produits laitiers à 3 à 5 par semaine maximum, fermentés (le lactose peut être responsable d’inconfort digestif) et de les préférer à base de lait de chèvre, de brebis (yaourt ou fromage) voire d’origine végétale. Selon votre situation personnelle (existence de troubles digestifs, inflammatoires et/ou immunitaires), il peut être judicieux d’envisager une éviction totale des produits laitiers animaux, au moins pendant 6 semaines au même titre que pour le gluten. En effet, les produits à base de lait de chèvre ou de brebis contiennent d’autres protéines (les bêta-lactoglobulines) pouvant être tout autant impliquées dans des réactions immunitaires ou inflammatoires. L’éviction de cette catégorie d’aliments se décidera là aussi idéalement avec l’accompagnement d’un professionnel de santé. A noter que, contrairement à ce qui est couramment véhiculé y compris dans le corps scientifique, les produits laitiers ne sont nullement indispensables au maintien d’une santé osseuse optimale.
Le pilier intestinal
L’intestin. S’il existe bien un organe qui a surpris le corps scientifique ces dernières années, c’est lui, ou plus précisément ses habitants : le microbiote intestinal. La compréhension des effets du microbiote sur notre santé ne cesse de croitre. 12 900 publications lui ont été consacrées entre 2013 et 2017, soit 80% de toutes celles relatives au sujet lors des 40 dernières années. Une telle évolution des connaissances nous amène même à repenser l’origine de certaines maladies : diabète, obésité, cancer, troubles du comportement, dépression, autisme, maladies de Parkinson et d’Alzheimer, maladies hépatiques, sclérose en plaques, polyarthrite rhumatoïde, maladie de Crohn, rectocolite hémorragique, etc. Toutes ont pour point commun une altération du microbiote intestinal. Contrairement à ce qui a été véhiculé pendant des décennies, l’intestin est bien plus qu’un vulgaire tuyau en charge d’assimiler les nutriments.
Le trépied intestinal
Lorsque l’on parle d’intestin, le premier nom qui vient à l’esprit est celui du microbiote. Il représente en effet la pierre angulaire de la santé intestinale. Pour autant, il n’est pas seul. En effet, il existe une véritable symbiose entre trois principaux acteurs d’un véritable écosystème intestinal : le microbiote, la muqueuse et le système immunitaire.
Le microbiote intestinal
En préambule, je souhaite préciser un point important. A l’image de la recherche dédiée à l’allopathie, de nombreux scientifiques, mais aussi et surtout les médias, aimeraient communiquer sur LA bactérie responsable d’une santé optimale ou au contraire d’une pathologie spécifique. Or, bien évidemment la réalité de cet écosystème est bien plus complexe, à l’image de ses quelques 10 à 100 000 milliards d’habitants2. Tout ce que nous allons découvrir est le fruit des dernières publications scientifiques sur le sujet, mais la plupart d’entre elles s’accordent sur un point commun : l’émergence d’une maladie en lien avec une perturbation du microbiote, ce que l’on nomme la dysbiose, s’explique essentiellement par une baisse du nombre de bactéries, une modification des proportions des différentes populations, une perte de diversité – ce que l’on nomme l’alpha-diversité – voire le développement de certaines espèces pathogènes. Il est bien trop prématuré de considérer qu’à une maladie est associée la présence ou l’absence d’une bactérie spécifique même si les connaissances évoluent. De plus, les méthodes d’analyse de composition du microbiote et les protocoles scientifiques utilisés dans le cadre des études peuvent fortement varier, expliquant d’ailleurs des résultats parfois différents voire contradictoires.
Pesant plus d’1,5kg, le microbiote intestinal est constitué d’environ 10 fois plus de bactéries, mais aussi de levures et de virus (100 fois plus nombreux que les bactéries : les bactériophages) que le corps humain n’est constitué de cellules. Le séquençage de ce que l’on nomme le métabolome intestinal, publié dans Nature en 20103, révèle que l’information génétique présente dans notre intestin est environ 150 fois plus importante que le génome humain avec 3,3 millions de gènes. Environ 160 espèces différentes colonisent le microbiote intestinal4. Les grandes familles – les phyla microbiens – sont pour 90% des Firmicutes (bactéries dites gram-positives) et des Bacteroidetes (bactéries dites gram-négatif)5. Viennent ensuite les Actinobactéries, les Protéobactéries, les Fusobactéries et les Verrucomicrobies. De manière simplifié, le microbiote joue trois grandes fonctions :
- Une fonction de protection de l’hôte, à savoir l’homme. Il contribue au maintien de la perméabilité sélective de la muqueuse intestinale, il intervient dans la sécrétion de mucus, d’anticorps et de composés antimicrobiens.
- Une fonction de collaboration immunitaire. Il interagit en permanence avec le système immunitaire et contribue à l’orienter vers un équilibre garantissant une défense efficace contre les agents pathogènes, mais aussi une bonne tolérance envers les molécules étrangères et les protéines de l’organisme.
- Une fonction métabolique. Il participe à la dégradation des résidus alimentaires. Il produit également un grand nombre de molécules qualifiées de métabolites bactériens6. Certains sont bénéfiques pour la santé, d’autres non. On peut ainsi citer les folates, les acides biliaires conjugués, le TMAO (TriMéthylAmine-N-Oxyde), mais aussi des neuromédiateurs comme la sérotonine et le GABA ou encore les acides gras à chaîne courte particulièrement importants pour votre santé.
Il existe probablement une part de prédisposition génétique dans la façon dont le microbiote intestinal s’installe et se comporte, mais l’environnement, depuis la vie intra-utérine jusqu’à la fin de la vie, sont des facteurs déterminants. Bien sûr, l’alimentation joue un rôle clé, mais également le cas des contaminants et des traitements médicamenteux, de l’activité physique, de l’état émotionnel et du sommeil. Les grandes répartitions de microbiote intestinal en fonction des individus sont qualifiées d’entérotypes.
La muqueuse intestinale, le second pilier de l’écosystème intestinal
L’intestin représente la surface privilégiée des échanges entre l’environnement et le monde intérieur. La muqueuse intestinale ne représenterait pas moins de 300m2 de surface ! Une étude de 2014 semble relativiser ce chiffre, considérant que la surface serait en réalité de… 32m27. Une telle erreur (un facteur 10) serait liée au fait que le calcul aurait été extrapolé à partir de mesures réalisées historiquement sur des individus décédés. Quoi qu’il en soit, l’intestin demeure bel et bien une zone d’échange considérable, s’étendant sur une longueur d’environ 7 à 8 mètres. La démultiplication de la surface est permise grâce à la présence de nombreux replis de la muqueuse, sous forme de microvillosités, lui valent le nom de bordure en brosse. Bien sûr, la fonction principale de l’intestin grêle reste d’assimiler les nutriments.
Cette muqueuse intestinale est composée de plusieurs types de cellules. La principale est l’entérocyte, constitué des microvillosités en charge d’assimiler les nutriments (glucides, lipides, protéines) et les micronutriments (vitamines, minéraux, oligoéléments, actifs végétaux, etc.). Chaque entérocyte mesure 1 mm et regroupe environ 60 microvillosités par µm² sur une surface de 3,5 µm². Cette cellule joue un rôle essentiel dans la mesure où, d’une part elle est responsable de l’assimilation, d’autre part elle garantit l’étanchéité entre le milieu intérieur et le milieu « extérieur », la lumière de l’intestin, d’un diamètre d’environ 2,5 cm. La muqueuse permet en effet de protéger l’organisme de la plupart des molécules toxiques et des agents pathogènes (bactéries, virus, parasites, etc.), d’où son nom de barrière intestinale. Elle assure une perméabilité sélective. Mais les rôles la muqueuse ne s’arrêtent pas là : elle est également à l’origine de la sécrétion de mucus permettant de protéger l’épithélium contre l’acidité gastrique grâce aux cellules caliciformes. Elle produit de nombreux peptides et hormones gastro-intestinales grâce aux cellules dites entéro-endocrines et qui prévaut à l’intestin le surnom de second cerveau ou de système nerveux entérique. Une autre catégorie de cellules présentes dans la muqueuse joue un rôle essentiel, les cellules de Paneth. La muqueuse intestinale est en effet en interaction permanente avec le microbiote intestinal et le système immunitaire local. Comme nous allons le voir, son intégrité dépend d’une part de la capacité du microbiote à collaborer positivement avec les cellules immunitaires et, d’autre part, des effets potentiels de l’alimentation et des contaminants sur les jonctions serrées des entérocytes8-12.
Le système immunitaire, le 3ème pilier de l’écosystème
L’écosystème intestinal est un double acteur immunitaire. D’une part, la muqueuse et le microbiote garantissent une protection physique contre les agents pathogènes. Il s’agit donc d’une première ligne de défense. D’autre part, cet écosystème va déterminer en partie la façon dont l’immunité est capable de réagir face aux microbes. Il est donc indispensable que le système immunitaire instaure un dialogue harmonieux entre les cellules et les bactéries du microbiote intestinal, au risque de créer une véritable zizanie aux conséquences potentiellement graves pour la santé. Pour ce faire, la muqueuse intestinale dispose d’une organisation digne de la plus grande des armées incluant de très nombreuses cellules (cellules de Paneth, plasmocytes, cellules dendritiques, plaques de Peyer, cellules M, etc.).
L’écosystème intestinal est un double acteur immunitaire. D’une part, la muqueuse et le microbiote garantissent une protection physique contre les agents pathogènes. Il s’agit donc d’une première ligne de défense. D’autre part, cet écosystème va déterminer en partie la façon dont l’immunité est capable de réagir face aux microbes. Il est donc indispensable que le système immunitaire instaure un dialogue harmonieux entre les cellules et les bactéries du microbiote intestinal, au risque de créer une véritable zizanie aux conséquences potentiellement graves pour la santé. Pour ce faire, la muqueuse intestinale dispose d’une organisation digne de la plus grande des armées incluant de très nombreuses cellules (cellules de Paneth, plasmocytes, cellules dendritiques, plaques de Peyer, cellules M, etc.).
Cette organisation, complexe (simplifiée ici), représente la principale ligne de défense immunitaire organisée de l’organisme contre les agents pathogènes. On considère (de manière empirique), qu’environ 70% de l’immunité est en contact avec la sphère intestinale13. Pour assurer un fonctionnement optimal, ces cellules communiquent certes entre elles, mais aussi avec le microbiote intestinal et avec l’ensemble de l’organisme grâce à des messagers spécifiques, les cytokines. Nos pigeons voyageurs internes, en quelque sorte. Selon leur nature, elles activent en effet la cascade inflammatoire indispensable à la guérison ou vont au contraire « calmer le jeu » pour éviter que le système ne s’emballe et/ou se désorganise. Selon la nature du danger, elles peuvent agir localement d’une cellule à l’autre ou de manière systémique pour alerter l’organisme tout entier du danger, notamment le cerveau, le foie, les reins et bien sûr, toutes les cellules du système immunitaire. Or, une dysbiose associée à une hyperperméabilité intestinale représente un point majeur d’initiation de l’inflammation de bas-grade et de toutes les pathologies associées. C’est ce que je nomme le triptyque DHI. A l’inverse, un microbiote sain participe à positivement à la régulation et à la différenciation des cellules immunitaires14-17. ll est notamment à l’origine d’une production importante des acides gras à chaîne courte (butyrate, acétate, propionate) si bénéfiques sur le contrôle de l’inflammation et de l’immunité (voir article)15,16,18. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Il existe en effet une interconnexion étroite entre certains anticorps présents dans le mucus de la barrière intestinale, les IgAs, et le microbiote intestinal. Leur présence module la composition du microbiote et, inversement, un microbiote de qualité permet de favoriser une sécrétion adaptée d’IgAs19-23. Selon l’équipe du Pr Gorochov d’une unité de l’INSERM, ces anticorps seraient même le chef d’orchestre de régulation du microbiote24. Vous l’aurez donc compris, l’intégrité de l’écosystème intestinal est déterminante, autant pour renforcer votre immunité afin de se protéger et mieux se défendre d’une infection, que pour éviter une réponse exacerbée des cellules immunitaires à l’origine d’inflammations chroniques, d’hypersensibilités alimentaires, voire d’allergies ou de pathologies auto-immunes.
Le triptyque « DHI »
Vous disposez donc d’une véritable armée immunitaire, prête à réagir à la moindre alerte et circulant dans l’ensemble de l’organisme. Des sentinelles sont toutefois postées en permanence au niveau des principales portes d’entrée des agents pathogènes, à savoir du système respiratoire, de la peau en cas de blessure et bien évidemment de la muqueuse intestinale. Cette dernière est en charge du rôle le plus complexe car elle doit non seulement garantir une défense efficace contre les agents pathogènes mais aussi tolérer tous les autres antigènes (les fragments de protéines reconnus par l’immunité comme dangereux pour l’organisme), notamment issus des bactéries du microbiote mais aussi de l’alimentation. La reconnaissance de ces peptides par les cellules immunitaire va engendrer une cascade de réactions dont le but final est d’éliminer l’intrus. Pour ce faire, elles vont sélectionner les bataillons les plus performants grâce à une armée de messagers, les cytokines.
Malheureusement, un déséquilibre du microbiote et/ou une perméabilité accrue de la muqueuse intestinale peut induire une réponse de la part des cellules immunitaires. Cette perturbation peut être due à la présence anormale d’un microbe pathogène, « l’ennemi », ou à une proportion accrue de certaines populations habituelles du microbiote. L’hyperperméabilité intestinale peut quant à elle avoir de très nombreuses origines, elles sont d’ailleurs souvent multiples. Les zones de jonction entre les cellules intestinales ne sont alors plus suffisamment efficaces, notamment car les protéines à l’origine de leur maintien ne sont plus fabriquées en quantité suffisante. Dans des conditions physiologiques, il existe toujours un petit passage de peptides à travers la muqueuse, c’est ce que l’on nomme une perméabilité sélective ou une endotoxinémie modérée. L’histoire se complique lorsque ce passage modéré devient une brèche dans laquelle vont s’engouffrer certains microbes (virus, bactéries, parasites). Si ceux-ci sont pathogènes, l’intervention de l’immunité est salutaire. Toutefois, s’il s’agit de bactéries issues du microbiote intestinale, se pose alors la question de la réaction des cellules immunitaires. Elles vont être informées de la pénétration de l’intrus par des récepteurs spécifiques capables de reconnaitre certains composants des parois microbiennes, les TLR (ou Toll Like Receptor, de 1 à 13) et les NLR (ou NOD-Like Receptors)25. Les composés microbiens sont appelés des endotoxines. Une catégorie nous intéresse particulièrement, les lipopolysaccharides ou LPS. Même s’il apparait quelque peu technique, ce passage est important à retenir pour comprendre les liens entre les inflammations chroniques et l’intestin. Il s’agit du composant principal de la membrane externe de certaines bactéries, reconnu par les macrophages et les cellules dendritiques du système immunitaire (ce ne sont pas les seuls composés impliqués26,27). Un taux élevé de LPS pénétrant dans le sang (en dehors de toute infection pathogène) traduit donc hyperperméabilité intestinale initiant un véritable cercle vicieux inflammatoire8,9,28,10–12,29. En effet, la reconnaissance par les récepteurs des macrophages des LPS va initier la production de composés chimiques générant un stress oxydatif majeur et la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires. Il en résulte alors une inflammation de bas-grade susceptible de se propager à l’ensemble de l’organisme, y compris le système nerveux, et ce d’autant plus qu’il existera d’autres foyers inflammatoires. Par ailleurs, cette inflammation locale augmente davantage la perméabilité intestinale, donc l’afflux sanguin de LPS, donc la réponse inflammatoire, etc. Vous avez compris l’histoire ? Ainsi, une dysbiose associée à une hyperperméabilité est la source probable d’une initiation d’inflammation systémique, évoluant de manière pernicieuse et dont les effets peuvent atteindre tous les tissus, d’autant plus qu’il existera d’autres facteurs inflammatoires (tissu adipeux, muscle, foie, etc.)30-31. Par ailleurs, la reconnaissance de ces composés microbiens par les récepteurs TLR des macrophages peuvent influencer de nombreuses voies, notamment l’insulino-résistance et le métabolisme énergétique. Un tel contexte inflammatoire favorise alors l’émergence de troubles tels que le diabète de type 2, l’obésité, la stéatose hépatique et plus globalement les maladies métaboliques, les troubles inflammatoires chroniques (y compris les neuro-inflammations, donc la dépression et les maladies neurodégénératives32), les maladies auto-immunes, les cancers et l’immunodéficience33,25,34-40,30,41,42,31,43,44. Il s’agit donc d’un mécanisme particulièrement important à appréhender, je le nomme le triptyque DHI pour « Dysbiose-Hyperperméabilité-Inflammation ». D’une part, il permet de mieux comprendre le mécanisme à l’origine de la réponse immunitaire en cas de passage de bactéries pathogènes, mais aussi de molécules considérées comme potentiellement dangereuses par le système immunitaire, y compris des peptides alimentaires ou des protéines du soi. L’actualité autour du gluten et des caséines laitières en sont deux exemples (voir article sur le gluten)45-49. D’autre part, il met en évidence les conséquences possibles d’une dysbiose sur l’équilibre du système immunitaire et sur la santé de manière générale.
Pathologies et microbiote intestinal
C’est désormais évident, le microbiote module notre état de santé mais aussi notre capacité à nous protéger de certaines pathologies tout en contrôlant positivement l’inflammation. Selon une publication parue dans Nature en 2017 et menée sous la supervision du Pr Raes, le maintien de l’équilibre du microbiote serait davantage lié à la quantité de bactéries qu’au respect d’un ratio précis entre les différentes populations ou que la présence d’une bactérie spécifique, à quelques exceptions près à l’image du Candida Albicans50. D’autres auteurs sont parvenus aux mêmes conclusions lorsqu’ils ont cherché à comprendre l’origine des pathologies inflammatoires chroniques ou les raisons pouvant expliquer les variations d’effets de certains médicaments en fonction des individus51,52. Plus précisément, selon le Pr Schirmer, il existerait, au-delà des différences de quantité, un nombre variable de bactéries plus ou moins actives. Des bactéries « dormantes » en quelque sorte. Une étude, plus ancienne, parue en 2012 dans la revue Nature, est arrivée aux conclusions qu’il existerait pas moins de 60 000 marqueurs différents53. Il est donc à ce jour impossible d’attribuer un microbiote précis à une pathologie. De nombreuses études, interventionnelles et standardisées, y compris concernant les méthodes d’analyses, sont encore nécessaires pour réussir à percer une partie du mystère se cachant dans nos intestins !
Citons simplement les principales pathologies associées à une dysbiose intestinale :
- Diabète54–60
- Obésité61,62
- Maladie cœliaque63–66
- Syndrome du côlon irritable (SII)43,44.
- Maladies auto-immunes et inflammatoires chroniques67-69,63,70-75,65,76,77,66,78,79
- Maladies cardiovasculaires80-85 : insuffisance cardiaque86–88, dyslipidémies89,90, hypertension artérielle91-93,83,94-97
- Insuffisance rénale98–101
- Maladies d’Alzheimer102-107
- Maladies de Parkinson108-121
- Troubles du spectre autistique122–125,68,126–131
- Troubles du comportement132–134
- Troubles de l’attention avec ou non hyperactivité (TDA/H)135
- Cancer136-137
- Dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA)138,139
Le microbiote intestinal est-il le reflet de notre mode de vie ?
Au regard de l’influence de l’environnement sur sa constitution, la réponse est oui sans aucun doute, au moins pour partie. De nombreux facteurs déterminent l’implantation et le développement des bactéries du microbiote intestinal tout au long de la vie :
- La vie intra-utérine140-142
- L’âge de naissance143,144
- Le type d’accouchement145-149
- Le type de lait 150-154..
- La diversification alimentaire155-158
- L’activité physique159–163,62,164-166
- Le sommeil167–171
- La gestion des émotions134–172
Quels sont les effets des médicaments sur le microbiote ?
Comme leur nom l’indique, les anti-biotiques sont utilisés pour tuer la vie, celle des bactéries pathogènes certes, mais aussi en partie celles du microbiote intestinal169. Ces médicaments ne sont en effet pas dénués de dégâts collatéraux. Les antibiotiques utilisés chez les animaux sont d’ailleurs considérés, par l’altération du microbiote qu’induisent la consommation de leur viande ou de leur lait, comme des contributeurs possibles de l’obésité chez l’homme170. De manière générales, les antibiotiques sont à l’origine d’un déséquilibre entre les Firmicutes et les Bacteroidetes, d’une perte de diversité et de quantité bactérienne au fur et à mesure des traitements, en particulier lorsqu’ils sont consommés au cours de la jeune enfance171. Selon un article paru dans Science en 2016, une prise d’antibiotiques altèrerait environ 10% de la composition du microbiote intestinal172. Cette altération varie néanmoins en fonction de la classe d’antibiotiques, de la dose, de la période d’exposition et des bactéries cibles169,173. Les conséquences diffèrent également fortement d’un individu à l’autre174. Une étude peu représentative, incluant 12 volontaires en bonne santé, a mis en évidence un retour du microbiote à sa composition initiale 35 jours après une antibiothérapie175. Les antibiotiques peuvent de plus moduler les réponses à d’autres traitements médicamenteux par modification du microbiote intestinal, notamment en cas de chimiothérapie ou d’antidépresseurs. Certains médicaments sont également efficaces grâce à leur métabolisation par les bactéries du microbiote, à l’image de la metformine utilisé dans le cadre du diabète de type 2 ou du traitement de la maladie de Parkinson.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens augmentent quant à eux la perméabilité intestinale, y compris à des dosages correspondant aux recommandations (1,2g d’aspirine ou 400mg d’ibuprofène) 176-179. Les prostaglandines régulées par ces anti-inflammatoires, les PGE2, en sont les principaux responsables 176,180. Les effets sont majeurs au bout de 3 à 6 mois de traitement181, voire dès les premières 24h177. Ils sont augmentés en cas de stress et altèrent par ailleurs le microbiote intestinal chez la souris qui peut lui-même augmenter la perméabilité secondaire à la prises des anti-inflammatoires179,182.
Comment votre alimentation influe-t-elle sur votre microbiote ?
L’alcool
Il altère l’intégrité de la muqueuse intestinale de manière dose-dépendante187,188 et le microbiote189,190
Les biocides
Une récente revue systématique a mis en évidence que les métaux lourds (arsenic, cadmium), les pesticides, les hydrocarbures aromatiques polycycliques, les dioxines, les furanes et les polychlorobiphényles affectent le microbiote intestinal191. Rien que ça ! Le microbiote intestinal n’est en effet pas épargné par les effets de ces composés. Malheureusement, un grand nombre d’études confirment cette liste : pesticides organochlorés192 ou organophosphorés comme le chlorpyrifos193,194, le DDT, le glyphosate195-200, les carbamates, le pentachlorophénol (PCP)201 la perméthrine202), les fongicides (carbendazime203, imazalil204 (particulièrement abondant dans les bananes et les agrumes d’importation), propamocarbe (utilisé pour protéger les pommes de terre)205, epoxiconazole (interdit en France depuis 2019)206), les PCB207, les dioxines208, les composés plastiques209 ou encore l’aluminium210. Le microbiote semble par ailleurs jouer un rôle dans la capacité d’excrétion et sur les effets des métaux lourds211 tels que le méthylmercure212 ou l’arsenic2131,214. De nombreuses études récentes mettent de plus en évidence une altération de la diversité bactérienne suite à l’exposition aux pesticides, mais aussi une influence du microbiote sur leur toxicité215,216. Les bactéries sont en effet capables de métaboliser certains pesticides, modulant ainsi leurs effets sur l’organisme. Une altération du microbiote secondaire à l’exposition aux pesticides organophosphorés pourrait par exemple favoriser certaines pathologies métaboliques comme le diabète217. L’usage de certains antibiotiques peut potentialiser l’assimilation d’un herbicide, la triazine par atteinte de l’intégrité du microbiote218. De manière générale, un grand nombre de contaminants alimentaires tels que les biocides, les microplastiques et les additifs semble altérer la production de mucus et l’intégrité de la muqueuse intestinale, favorisant ainsi une perturbation de l’ensemble de l’écosystème intestinal au-delà du microbiote219,220. La grande majorité de ces études sont menées chez l’animal mais ne présagent en rien d’un caractère rassurant pour le microbiote intestinal humain.
Les édulcorants
Il est désormais bien établi que non seulement les édulcorants sont inutiles dans le cadre de la gestion du poids, mais qu’ils peuvent au contraire augmenter les risques de troubles métaboliques comme l’obésité ou le diabète par altération du microbiote intestinal. Pour ne citer que les plus connus, sont concernés l’aspartame221-223, le sucralose224,225 mais aussi les extraits de Stevia226.
Les additifs
J’ai développé les effets des additifs sur le microbiote intestinal dans un article dédié aux contaminants alimentaires. Rappelons simplement que, selon une étude publiée dans Nature en 2015, des émulsifiants comme la carboxymethylcellulose, le polysorbate 80 et le taurocholate de sodium ont engendré une augmentation de la perméabilité intestinale et une altération du microbiote intestinal chez la souris227–233. Les esters de saccharose (E473) et d’acides gras augmentent eux aussi la perméabilité intestinale227.
Les nanoparticules
Ces molécules peuvent agresser la muqueuse intestinale et augmenter sa perméabilité234 : dioxyde de titane235,236, polymères237,238, nanoparticules lipidiques utilisées par exemple dans les compléments alimentaires à base d’huile239,240 ou de chitosan241,242, nanoparticules de polystyrène243,237. Le chitosan, peut interagir avec une protéine au cœur de la régulation de la perméabilité intestinale, la zonuline244,245. Il est d’ailleurs parfois utilisé dans ce sens pour augmenter la biodisponibilité de certaines substances246,247. On peut également citer les nanotubes de carbone248 ou encore la ferrite de cobalt249,250. L’épithélium de l’intestin n’est malheureusement pas le seul concerné : les poumons, la peau ou encore le placenta le sont également .
Les composés présents dans les emballage plastiques, en particulier le bisphénol A 251,252 et les phtalates254.
Plus de 300 principes actifs pourraient contribuer à l’hyperperméabilité lorsqu’ils sont consommés sous forme de compléments alimentaires, notamment les EGCG de thé vert, la béta-alanine ou encore le tryptophane255.
Favoriser une alimentation la plus variée possible en végétaux
Les glucides fermentescibles ou fibres dites prébiotiques (5g par jour suffisent à bénéficier des propriétés prébiotiques256) sont particulièrement intéressants. Les fruits, les légumes et les céréales complètes représentent les principales sources, en particulier les bananes, les artichauts, l’ail, les oignons, les topinambours, le potiron, les poireaux, les asperges, les salsifis, les feuilles de chicorée, le seigle complet. Les aliments contenant de l’amidon résistant sont les grains de céréales entiers, sarrasin, légumineuses ou les produits céréaliers consommés froids après cuisson, comme par exemple le riz. Plusieurs auteurs considèrent que ces fibres peuvent moduler jusqu’à 30% du microbiote intestinal257. L’American Gut Project, une vaste étude citoyenne, a recueilli les données alimentaires et des échantillons de matières fécales de plus de 10 000 personnes, principalement des résidents du Royaume-Uni, des États-Unis et de l’Australie258. Les résultats confirment ceux de nombreuses études : une variété importante d’aliments végétaux consommés est associée à une plus grande diversité du microbiote. Dans cette étude, les individus consommant plus de 30 types de végétaux par semaine (fruits et légumes) par rapport à ceux qui en consommaient moins de 10 ont présenté un taux très élevé de bactéries productrices d’acides gras à chaîne courte. Un autre avantage que l’on peut attribuer à la consommation de fibres alimentaires, en particulier des fibres insolubles, est leur capacité à piéger de nombreux micronutriments le long du tractus digestif (minéraux, vitamines, polyphénols)259, alors transportés jusqu’au côlon sans être métabolisés ni absorbées en amont260. Les aliments riches en polyphénols et ayant démontré des effets bénéfiques sur l’écosystème intestinal sont notamment les petites baies261, les légumes, les céréales complètes, le thé vert262, le cacao263, le café264 et même les polyphénols contenus dans le vin rouge265. Il n’a toutefois pas été démontré que la consommation modérée de vin rouge chez l’homme exerce un effet positif sur la diversité du microbiote intestinal266. Les noix, et plus globalement les oléagineux, sont reconnus comme étant des aliments particulièrement sains pour la santé, notamment via leur action sur le microbiote267. A l’inverse, une alimentation riche en fructose issu de produits ultra-transformés semble augmenter la perméabilité intestinale en altérant l’expression des gènes occludine et zonula occludens-1 (ZO-1) 268-271. Pour en savoir plus, voir mon article : végétaux et microbiote.
L’excès de glucose peut lui aussi modifier le métabolisme de cellules intestinales impliquées dans la perméabilité intestinale, les Caco-2268,270. Il en est de même concernant les hyperglycémies272, à l’origine d’une modification de la régulation du récepteur GLUT2273.
Tableau des sources alimentaires de fibres fermentescibles et d’amidon résistant
Fibres fermentescibles | Amidon résistant | ||||||
Aliments | Teneur (mg/100g) | Portion (g) | Teneur (mg/portion) | Aliments | Teneur (mg/100g) | Portion (g) | Teneur (mg/portion) |
Topinambour | 16,1 | 100 | 16,1 | Sarrasin (cuit) | 10 | 150 | 15 |
Artichaut | 4 | 250 | 10 | Pomme de terre (refroidie) | 5,8 | 250 | 14,5 |
Salsifis | 7,5 | 100 | 7,5 | Banane verte | 8,5 | 150 | 12,8 |
Feuille de pissenlit | 13,5 | 30 | 4,1 | Pois (cuit et refroidi) | 6,7 | 150 | 10,1 |
Graines de lin |
19,1 | 15 | 2,9 | Pois chiche (cuit et refroidi) | 6,4 | 150 | 9,6 |
Son de blé |
28 | 10 | 2,8 | Haricots blancs (cuits) | 4,2 | 150 | 6,3 |
Poireau | 1,8 | 150 | 2,7 | Flocons d’avoine | 11,3 | 50 | 5,7 |
Ail | 13,6 | 20 | 2,7 | Lentilles (cuites) | 3,4 | 150 | 5,1 |
Psyllium |
24 | 10 | 2,4 | Haricots rouges (cuits) | 2 | 150 | 3 |
Lentilles sèches |
3,8 | 60 | 2,3 | Riz brun (cuit) | 1,7 | 150 | 2,6 |
Asperge | 1,5 | 159 | 2,3 | Pâtes complètes (cuites) | 1,4 | 150 | 2,1 |
Oignon blanc |
4,3 | 50 | 2,2 | Riz blanc (cuit) | 1,2 | 150 | 1,8 |
Échalote | 5,4 | 40 | 2,2 | Pâtes (cuites) | 1,1 | 150 | 1,7 |
Haricot de Lima |
2,9 | 60 | 1,7 | Banane mûre | 1,2 | 100 | 1,2 |
Konjac | 1,1 | 150 | 1,7 | Pain aux céréales | 1 | 60 | 0,6 |
Nori séchée | 24 | 5 | 1,2 | ||||
Oignon brun | 2,1 | 50 | 1,1 | ||||
Pomme | 0,8 | 120 | 1 | ||||
Haricot (cuit) |
0,6 | 150 | 0,9 | ||||
Banane | 0,7 | 100 | 0,7 | ||||
Orge (cru) |
1 | 60 | 0,6 | ||||
Seigle (cru) |
1 | 60 | 0,6 | ||||
Pêche blanche | 0,4 | 150 | 0,6 | ||||
Betterave | 0,4 | 150 | 0,6 | ||||
Blé (cru) | 0,9 | 60 | 0,5 | ||||
Chircorée (racine) | 10,2 | 5 | 0,5 | ||||
Courgette | 0,3 | 150 | 0,5 | ||||
Kaki | 0,3 | 150 | 0,5 | ||||
Chou de Bruxelles | 0,3 | 150 | 0,5 |
Protéines et microbiote
La plupart des études convergent sur le fait qu’une alimentation riche en protéines favorise une diversité bactérienne274,275. Toutefois, elle augmente surtout la quantité de bactéries tolérantes à la bile274 et diminue celles qui sont productrices d’acides gras à chaîne courte276. Comparativement à une alimentation riche en végétaux, un régime de type hyperprotéiné diminue la population de Roseburia et d‘Eubacteries rectales, donc de butyrate277, ce qui est associé à une augmentation des risques d’inflammations intestinales278-280.
En pratique : évitez toute surconsommation de protéines animales. L’impact des protéines sur le microbiote varient en effet en fonction de leur origine. La consommation de protéines végétales favorise les taux de Bifidobactéries grâce aux fibres associées aux aliments qui en contiennent (notamment les légumineuses)281. L’étude prospective E3N, regroupant 67 581 personnes, a mis en évidence une corrélation entre la consommation de protéines animales (viande et poisson) et l’existence de syndrome du côlon irritable, mais pas lorsque ces protéines sont issues d’œuf ou de produits laitiers282. Il n’a pas été fait de distinction dans le type de poisson (gras ou maigre), ce qui ne permet pas de considérer qu’un tel constat est lié à la consommation de graisses associées, bien que ce soit une des hypothèses principales283. Par ailleurs, une alimentation riche en protéines favorise la production d’acides biliaires et la modification du microbiote en conséquence284-286. Une consommation importante de protéines engendre surtout une production de sulfure d’hydrogène (H2S) par les bactéries dont un excès est souvent constaté dans les maladies inflammatoires chroniques287. Paradoxalement, le peroxyde d’hydrogène est aussi reconnu pour exercer des effets anti-inflammatoires sur les muqueuses. Le mécanisme d’action précis de ce gaz sur la perméabilité intestinale n’a donc pas encore été précisé, si ce n’est par l’action pro-inflammatoire qu’il génère auprès du système immunitaire287,288.
La dégradation des protéines par le microbiote intestinal, ce que l’on nomme la putréfaction, est à l’origine de composés divers (phénols, indoles, ammoniaque, polyamines) pouvant être responsables de gaz odorants289,290. Les polyamines sont particulièrement étudiées car leurs mécanismes d’actions sont multiples et peuvent apparaître parfois contradictoires. De manière simplifiée, elles peuvent être considérées comme des métabolites issues du microbiote et contribuant à la bonne santé, notamment la spermidine291. Dans certaines situations spécifiques comme l’existence de douleurs chroniques ou en cas de traitement contre le cancer, il peut toutefois être envisagé de réduire leurs apports alimentaires292-294.
Une consommation importante de viande est associée à une augmentation de TMAO synthétisé par le microbiote à partir de la carnitine (abondante dans la viande et dans le poisson) et dans une moindre mesure de la choline de l’oeuf295. Ce composé est considéré, non pas comme un facteur de risques cardiovasculaires, mais comme un marqueur de modification du microbiote pouvant accroître ces derniers.
Les graisses
Un régime riche en graisse engendre une baisse de la diversité du microbiote296-298. Ce type d’alimentation est considérée depuis plus d’une décennie comme un facteur pro-inflammatoire du fait de l’hyperperméabilité intestinale et des taux sanguins élevés de LPS qu’elle engendre, notamment chez les souris obèses et diabétiques33,299-301. Toutefois et au même titre que pour les protéines, il est nécessaire de distinguer les effets des graisses selon le type d’acides gras qui les constituent. Les acides gras saturés semblent plus impliqués que les huiles de poisson (chez la souris)302. Une alimentation riche en oméga 3, via une forte consommation de saumon, ou en acides gras mono-insaturés issus d’huile d’olive ne semble pas générer d’effets délétères303-305. D’autres auteurs ne trouvent pas de différence en fonction des acides gras consommés dès lors que l’alimentation est riche en graisses306. Une étude menée chez le rat met en évidence, qu’après 6 semaines d’alimentation hyperlipidique, la formation d’acides gras à chaîne courte se rétablirait à quelques nuances près (davantage de succinate et moins de butyrate)307. De plus, la nature du microbiote initial influence les effets de la consommation des acides gras sur la production de métabolites bactériens308.
Au regard de ces éléments, se pose la question des effets du régime cétogène sur le microbiote, à savoir une alimentation particulièrement riche en lipides. La plupart des études mettent en évidence une diminution de la diversité du microbiote intestinal avec un impact significatif sur certaines population bactériennes309-311. La principale cause de ce changement est la diminution drastique de la consommation de glucides, des substrats essentiels à une partie du microbiote intestinal. De tels résultats ne sont toutefois pas unanimes312,313. Une étude parue en 2017, menée auprès de 39 personnes dont 25 souffrant de sclérose en plaques, apporte une nuance complémentaire314. Les auteurs ont en effet constaté une diminution quantitative du microbiote à court terme, mais la situation a évolué après 3 mois de changement alimentaire vers une restauration totale du nombre de bactéries et des fonctions associées au bout de 6 mois. D’après des données récentes, il existerait par ailleurs des microbiotes « répondants » et des « non-répondants » aux effets du régime cétogène315, ce qui expliquerait en partie la différence d’efficacité de ce régime selon les personnes. Certains composés métabolites du microbiote, plus ou moins abondants selon la nature de celui-ci, pourraient agir en limitant la disponibilité des précurseurs de neurotransmetteurs censés limiter les risques de crise316. En conclusion, le microbiote intestinal pourrait moduler les effets du régime cétogène selon plusieurs mécanismes : en produisant différents métabolites, en interagissant avec la muqueuse intestinale, en favorisant la communication avec les systèmes neuroendocriniens et immunitaires ou en modulant l’information nerveuse directement. L’ensemble de ces effets auraient notamment pour conséquence de réduire l’inflammation à l’origine des maladies neurodégénératives. A l’inverse, il semble que, chez certaines personnes, le régime cétogène augmente la quantité de bactéries utilisant du soufre (bactéries sulfito-réductrices), donc le développement de la putréfaction et la dysbiose. Toutefois, un tel effet peut être lié à une application inadaptée du régime consistant à augmenter la part de protéines animales consommées. Certains auteurs recommandent d’envisager une supplémentation systématique en prébiotiques en complément de ce régime317. Dans tous les cas, les légumes dans l’alimentation méritent une place de choix.
Acides biliaires et microbiote, des interactions étroites
Les acides biliaires sont des composés synthétisés par le foie à partir du cholestérol, de glycine et de taurine318. Ils sont essentiels à la bonne assimilation des graisses et subissent ce que l’on nomme le cycle entéro-hépatique, à savoir qu’une très grande majorité est recyclée par l’organisme. Environ 5% des acides biliaires échappent toutefois à ce cycle (0,2 à 0,3g par jour) et parviennent jusqu’au colon où ils vont être métabolisés par le microbiote intestinal319. Le colon reçoit également chaque jour environ 1g de cholestérol, dont 70% sont issus de la bile320. Depuis 1931, il a été démontré que le microbiote possède la capacité à transformer le cholestérol en coprostanol, un composé non assimilé321,322. Environ 200mg de cholestérol sont ainsi éliminés par les selles chaque jour323. Il s’avère toutefois qu’une partie de la population ne parvient à éliminer que 20% du cholestérol par cet intermédiaire324, ce qui pourrait expliquer pourquoi ces personnes présentent un taux de cholestérol sanguin élevé. L’origine de cette différence pourrait également se trouver dans le microbiote intestinal, notamment du fait de l’absence d’une bactérie spécifique, Bacteroides dorei320,324.
Au-delà de leur rôle dans l’assimilation des graisses, les acides biliaires agissent comme de puissants modulateurs de la réponse immunitaire325,326. Une dérégulation de ces récepteurs est impliquée dans les risques d’obésité et d’inflammation chez les souris327-329, notamment via un récepteur spécifique (FXR330) qui pourrait lui-même moduler le microbiote329 et l’intégrité de la muqueuse intestinale331. Les acides biliaires peuvent également agir sur la composition du microbiote comme des composés antibactériens332. Une alimentation riche en matières grasses laitières semble augmenter le développement de Bilophila wadsworthia, ce qui n’est pas le cas lorsque les graisses sont essentiellement polyinsaturées279. Or cette bactérie est reconnue comme particulièrement tolérante à la bile et impliquée dans les maladies inflammatoires intestinales chroniques333. A l’inverse, une alimentation enrichie en huile de poisson semble limiter le développement de cette bactérie305,334.
Le sel
Une activation importante du transport intestinal du sodium peut augmenter la perméabilité335. Ce transport est en effet régulé par certaines protéines indispensables au maintien des jonctions serrées, les claudine-2 et 15. Un excès de sodium altère le fonctionnement de ces protéines et accroit ainsi l’hyperperméabilité intestinale336.
Le rythme alimentaire
La combinaison d’une modification du rythme circadien et d’un changement alimentaire (alimentation riche en graisses ou riche en sucres) contribue à perturber le microbiote intestinal chez la souris, ce qui n’est pas le cas lorsque l’alimentation reste identique169. Plusieurs études mettent en évidence que le microbiote intestinal varie si le rythme circadien est perturbé, notamment par le moment des prises alimentaires337,338. Il pourrait contribuer à augmenter les risques métaboliques associés à ce changement, notamment l’inflammation chronique et l’obésité339. Selon une étude de 2018 menée auprès d’un faible échantillon (10 participants), que la prise alimentaire ait lieu le matin ou le soir n’a pas modifié pas la composition du microbiote dès lors qu’elle respectait le rythme circadien340.
Et le jeûne ?
Chez la souris diabétique, le jeûne intermittent induit une augmentation de la production de mucus, une amélioration de l’intégrité de la muqueuse intestinale et un changement de composition des acides biliaires à l’origine d’une meilleure régulation de l’inflammation341. Une étude publiée dans Cell Metabolism a présenté les effets du jeûne intermittent sur la sclérose en plaques342. Dans un premier temps, les auteurs ont mené une expérience préalable sur des souris atteintes d’une maladie auto-immune, l’encéphalomyélite. Ils ont alors constaté une modification du microbiote intestinal, en particulier une augmentation des Lactobacilles, des Bactéroidetes et de Prevotella. Selon les auteurs de cette étude, le jeûne a permis de réduire le nombre de cellules immunitaires de type Th17 et d’augmenter les cellules de type Treg. En d’autres termes, le jeûne intermittent aurait engendré, via le microbiote, une réduction de la réponse auto-immune. Les chercheurs ont alors réalisé une étude similaire avec des hommes atteints de sclérose en plaques. Ils ont obtenu des résultats similaires. Une troisième publication plus récente, parue en Février 2020 dans Nature Communications, confirme des données connues, à savoir un effet positif du jeûne intermittent sur les fonctions cognitives en cas de diabète de type 2343. Selon les auteurs, ce bénéfice est attribuable au microbiote intestinal, alors capable de moduler la biogénèse mitochondriale et de produire des métabolites bactériens agissant positivement sur le fonctionnement cérébral. De manière générale, les bénéfices du jeûne intermittent sur le microbiote intestinal sont de plus en plus avérés, surtout en cas d’obésité344,344.
Les aliments lactofermentés
Les aliments lactofermentés avec son chef de file, le yaourt, ont bonne presse auprès du grand public car ils véhiculent une image de santé digestive346. Ils peuvent en effet être considérés comme une forme de probiotiques naturels. Au-delà des produits laitiers fermentés, les légumes ou encore le thé sont utilisés pour réaliser une lactofermentation à l’image du kéfir, de la kombucha, du thé Pu-erh mais aussi du pain au levain, des pickles, des olives noires ou encore du kimchi. En Asie, la lactofermentation est également utilisée pour conserver le poisson, fabriquer du tempeh ou du miso à partir du soja. En Afrique, les céréales servent de base à la fermentation pour la Buschera ou la Fura en Afrique, le Pozol au Mexique ou encore le Togwa en Tanzanie347. Une de leurs principales propriétés est de contribuer à diversifier le microbiote intestinal348. Les aliments lactofermentés participent également à couvrir les besoins en folates (vitamine B9) même si les quantités demeurent insuffisantes pour y répondre de manière unique349, à augmenter les apports es en acides phénoliques (des composés antioxydants)350 ou encore à dégrader les phytates (des facteurs antinutritionnels) tout en produisant des composés antimicrobiens351,352,350. Trois produits sont particulièrement mis en avant au cours des dernières années : le kéfir (traditionnellement issu de la fermentation de lait)353-356, la kombucha (une boisson obtenue à partir de thé et de sucre)357-361 et le thé Pu-erh (un thé produit dans le Yunnan en Chine, par la fermentation microbienne de feuilles fraîches. Une des spécificités de ce thé est de se bonifier avec le temps lorsqu’il est conditionné sous forme compressée et stocké dans des conditions adaptées, comme le bon vin !)362-365.
Comment réaliser votre propre kombucha ?
- Une base de thé vert ou thé noir
- Ajouter une quantité d’environ 50 g de sucre / litre 366.
- Les cultures de kombucha sont ensuite ajoutées (mère et starter) afin de lancer la fermentation.
- La durée de fermentation varie selon le gout souhaité. Elle est généralement comprise entre 7 (goût plus doux) et 20 jours (goût plus vinaigré).
Voici les grands principes de la fermentation :
- A température ambiante, le sucre ou saccharose introduit dans l’infusion est transformé par les levures en fructose et glucose.
- Ces sucres sont alors convertis en éthanol dans le cadre de la fermentation alcoolique.
- Le mélange étant en contact avec l’air, les bactéries acétiques utilisent le glucose et l’éthanol disponibles pour produire des acides organiques367,368, à savoir l’acide acétique issu principalement de l’oxydation de l’éthanol et l’acide gluconique provenant de la transformation du glucose369.
- L’acidification du milieu entraîne la diminution du pH, passant rapidement en dessous de 3,5 et prévenant ainsi le développement de flores pathogènes370.
- Se forme une masse gélatineuse composée de cellulose produite par certaines bactéries acétiques, plus particulièrement Komagateibacter xylinus371.
- Lors de la mise en bouteille, l’absence d’oxygène favorise la fermentation alcoolique par les levures utilisant les sucres résiduels et menant à la production d’alcool et de gaz carbonique.
- Vous voici en possession d’une boisson acidulée gazeuse « santé » !
Le régime méditerranéen, un modèle pour le microbiote
Le régime méditerranéen est considéré comme un modèle de référence pour de nombreuses raisons, y compris pour la bonne santé du microbiote intestinal372,373, à commencer par sa richesse en fibres et en antioxydants374,375. De manière générale, plus le niveau d’adhésion au régime méditerranéen est fort, plus la diversité bactérienne est importante372,376,377. Selon une étude menée pendant 2 ans auprès de 138 participants, CORDIOPREV (CORonary Diet Intervention with Olive Oil and Cardiovascular PREVention), une telle durée du régime permet de modifier en profondeur la nature du microbiote, notamment chez des personnes présentant un syndrome métabolique378.
En conclusion sur la partie alimentaire, bien que les recherches permettent de mieux comprendre les interactions pouvant exister entre l’alimentation et le microbiote intestinale, il demeure essentiel d’éviter toute généralisation des données actuelles. Les études mettant en évidence les effets des changements alimentaires sur le microbiote à long terme demeurent limitées379. Par ailleurs, un même changement alimentaire semble générer des effets différents en fonction de chaque individu, notamment selon la nature de leur microbiote intestinal. Les conséquences de l’alimentation sur le microbiote peuvent également impacter plusieurs générations380,381.
La plupart des études se sont concentrées sur l’analyse de l’effet d’un nutriment spécifique, qui plus est dans le cadre modèle alimentaire général. Une telle méthodologie ne considère pas l’effet synergique possible des matrices alimentaires sur la réponse du microbiote382. Il serait donc bien plus pertinent d’étudier les effets, non pas d’un nutriment, mais d’un aliment entier. Un impact significatif a déjà été démontré pour les légumes crucifères383 et les oléagineux (noix et amandes)267,384,385. Certaines études récentes (2019) commencent également à intégrer l’origine alimentaires des nutriments dans leurs conclusions386,387. Il apparaît de plus que le temps de transit et la nature des selles sont des facteurs pouvant modifier les effets de certains nutriments sur le microbiote intestinal. Une alimentation riche en glucides fermentescibles peut par exemple réduire la diversité bactérienne avant tout car elle accélère le transit et rend les selles plus molles388. Même le moyen utilisé pour réaliser l’analyse, à savoir l’analyse des selles, représente donc un potentiel biais d’interprétation des résultats389. Par ailleurs, la composition du microbiote fécal, utilisée comme référence dans les études, reflète son stade de développement mais pas obligatoirement sa stabilité au cours du temps390. Il s’agit donc d’éléments essentiels à conserver à l’esprit pour relativiser la plupart des conclusions d’études épidémiologiques et d’intervention. Un algorithme de prédiction de la réponse glycémique en fonction de la nature du microbiote intestinal de la personne a fait l’objet d’une étude parue en 2015 à la suite d’une collaboration entre des chercheurs en mathématiques appliquées et des immunologistes391. Ils se sont basés sur le recueil de 900 microbiotes différents et ont réalisé une étude randomisée en double aveugle contre placebo auprès de 26 personnes. Les résultats leur ont permis d’établir un programme alimentaire personnalisé qui s’est avéré bénéfique pour réguler la glycémie. Notons néanmoins que, selon certains auteurs, cette méthode parvient à des résultats similaires à ceux qui peuvent être obtenus via des protocoles plus traditionnels392. Une startup a depuis été créée, à l’image de nombreuses sociétés s’aventurant dans ce champ d’action prometteur. Toutefois, aussi séduisante soit cette approche, à l’heure où je vous écris, un écart important demeure encore entre l’analyse du microbiote et la capacité à personnaliser les recommandations alimentaires. Nul doute qu’il va s’amenuiser dans les années à venir, mais un peu de patience.
Quels sont les micronutriments à optimiser pour prendre soin de votre écosystème intestinal ?
Voici mes recommandations par ordre de priorité :
- Les probiotiques : voir mon article dédié sur le sujet La vérité sur les probiotiques.
- La vitamine D 393-395 : je vous recommande de faire doser votre taux plasmatique afin de savoir si une supplémentation est nécessaire ou non (75 UI par kg de poids corporel par jour). Découvrir mes conseils sur la vitamine D.
- La glutamine 396-399 : les quantités utilisées dans les études sont particulièrement importantes. Or au regard des effets potentiels d’un excès de glutamine sur le métabolisme des cellules cancéreuses, je vous recommande un apport plus modéré, environ 5 g par jour pendant 3 semaines. Une forme de poudre à diluer dans un peu d’eau en dehors des repas est plus économique. Ne pas utiliser de L-glutamine sans avis médical en cas de grossesse, allaitement, maladie hépatique, sensibilité au glutamate de sodium (syndrome du restaurant chinois), insuffisance rénale, antécédents épileptiques ou de cancer.
- Le zinc 400,401 : Je vous recommande donc une supplémentation de 10 à 15 mg de bisglycinate de zinc maximum et uniquement après avoir constaté un déficit par une prise de sang (mesure du taux de zinc érythrocytaire). Un apport excessif perturbe en effet l’équilibre du microbiote et augmente les risques d’infection au Clostridium Difficile 402. Découvrir mes conseils sur le zinc.
- La vitamine A 403-407 : une vérification du taux plasmatique est toutefois nécessaire avant d’envisager une supplémentation. Dans le cas de certaines infections comme HIV, la vitamine A pourrait en effet s’avérer délétère408.
- La matricaire et l’argile verte : elles peuvent être proposées en cas d’inflammation de la muqueuse intestinale, à l’image de la matricaire (plus connue sous le nom de camomille) aux vertus anti-diarrhéiques et antispasmodiques409,410.
- La glycine411,412 : en cas d’inflammation intestinale ou d’hyperperméabilité. 5 à 10g par jour.
- Les vitamines du groupe B : les vitamines du groupe B peuvent être synthétisées par plus de 100 espèces bactériennes, voire par 65% du microbiote selon certains auteurs413. Au-delà d’exercer des bienfaits pour notre santé en contribuant à satisfaire nos besoins414, il semble que les bactéries coopèrent pour échanger des vitamines B entre elles et ainsi assurer la survie413. Selon une publication récente de 2019, plus de 20% de la population bactérienne serait totalement dépendante de l’apport de vitamines B issues d’autres espèces415. Découvrir mes conseils sur le zinc.
- Le fer et le cuivre : vérifier toute absence de déficit par une prise de sang, d’une part pour éviter tout déficit et d’autre part pour éviter toute prise de complément alimentaire le cas échéant. Découvrir mes conseils sur le fer.
Si vous souffrez d’inconfort digestif ou d’inflammation intestinal, je vous invite à découvrir mes conseils pratiques dans mon article « Retrouvez votre confort digestif ».
Anthony Berthou
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