Aujourd’hui et demain (23 et 24 mai 2014) ont lieu les journées européennes de l’obésité : le collectif national des associations d’obèses (CNAO) en est un des acteurs majeurs. En tant que conseiller nutritionnel au sein de cette association et suite à l’émission en direct sur France Info hier, voici un bref état des lieux.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes
Chacun d’entre nous connaît les célèbres slogans « Mangez 5 fruits et légumes par jour », « Mangez moins gras et moins salé » ou « Mangez-bougez » : le taux d’obésité est pourtant passé de 10 à 15% de la population Française entre 2000 et 2012, celui du surpoids de 30,6 à 32,3%, ce malgré les millions d’euro consacrés au Plan National Nutrition Santé (PNNS) 1 et 2 depuis 2001. L’obésité globale a ainsi augmenté de 76% entre 1997 et 2012, même si on reconnaît une légère décélération de la croissance. Ainsi, près de 15 millions de Français adultes souffrent de surpoids et 7 millions d’obésité selon la dernière étude Obépi 2012. Selon l’OMS, en 2008 le surpoids concernait 1,4 milliard de personnes de 20 ans et plus dans le monde et 40 millions d’enfants de moins de 5 ans, il devrait en toucher 3,3 milliards en 2030 : la prévalence de l’obésité a presque doublé entre 1980 et 2008. À l’échelle mondiale, 44% des diabètes, 23% des troubles cardio-vasculaires et jusqu’à 41% de certains cancers peuvent être imputés au surpoids et à l’obésité (OMS). Une nouvelle étude anglaise(1) prévoit que plus d’un Français sur 4 sera obèse d’ici 2030 (29% de femmes et 25% d’hommes). Situation encore plus dramatique en Grèce et en Irlande (prévisions d’un taux d’obésité respectif de 40 et 58%).
Une origine complexe et multifactorielle
Il est désormais bien établi que les facteurs de l’obésité sont multifactoriels :
- L’alimentation
Il s’agit d’un des principaux facteurs bien entendu, il a été longuement développé précédemment, c’est l’approche immédiate et la mieux connue de l’obésité. Pour autant elle nécessite d’être associée à la dimension émotionnelle et affective de l’aliment. Qui n’a jamais ressenti l’envie de chocolat ou de biscuits salés suite à une frustration ? Quel est le poids inconscient de la protection physique d’un surpoids suite à traumatisme ou à un viol ? La simple approche calorique est non seulement aujourd’hui désuète, mais génère surtout des dégâts psychologiques renforcés par les discours moralisateurs du professionnel de santé (ou de l’entourage) vis à vis du manque de volonté de la personne obèse à perdre du poids. Un exemple : un déficit chronique en sérotonine (neuromédiateur de l’apaisement et de la sérénité) peut générer des envies incontrôlables de manger en soirée, notamment sucré et en situation de stress : culpabiliser la personne sur son manque de motivation alors que son comportement alimentaire répond à un besoin physiologique est-il synonyme d’un accompagnement efficient ? Par ailleurs, le meilleur expert nutritionnel du monde sera bien inutile si un blocage inconscient rend tout discours rationnel non intégré.
- L’environnement
Un enfant dont un des parents est obèse présente 50% de risques de souffrir d’obésité, 80% si ses deux parents le sont. Par ailleurs, il est établi que la prévalence de l’obésité est directement corrélée au niveau socio-culturel et à la catégorie socio-professionnelle : plus la personne est issue d’un milieu défavorable, plus les risques d’obésité sont accrus. La faute au manque d’éducation, et/ou plutôt à une partie de l’industrie agro-alimentaire ? Les produits industriels de basse qualité sont par définition riches en graisses saturées ou trans, en sucres et en sel cachés. Il s’agit là de puissant exhausteurs de gout et rétenteurs d’eau permettant de proposer un produit insipide à, plein de « calories vides », à bas prix. Il suffit de regarder les rayons discount des grandes surfaces pour se rendre compte des dégâts. Bien entendu, il convient de modérer ces propos en fonction du niveau de sensibilité de la personne à la nutrition : manger une assiette de lentilles bio coûtera moins cher qu’une pizza industrielle. Et c’est là tout notre rôle, en tant que professionnel de la nutrition, de diffuser l’information. Pour autant l’accès aux informations n’est pas évident pour tous : il s’agit ici d’un vrai challenge d’autant plus important que l’offre alimentaire industrielle spontanée se cache parfois bien d’être transparente vis-à-vis de sa qualité. Nous pourrions également évoquer la dépendance au sucre consécutive à la profusion d’aliments insulino-secréteurs et ses dommages collatéraux : insulino-résistance, surpoids, fatigue, cancer, inflammation chronique, syndrome métabolique, etc.
Et que dire du poids de la représentation sociale ? Le dogme de la minceur est omniprésent : il est désormais indispensable de rentrer dans les normes esthétiques imposées par la société, au risque d’en être exclu.
- La sédentarité
L’intérêt de l’activité physique sur la santé ne sera jamais suffisamment souligné ! Bouger permet de réduire les risques cardio-vasculaires, d’hypertension, de diabète non insulino-dépendant, de cancers ou d’ostéoporose, contribue à mieux réguler taux de cholestérol, améliore la tonicité et la force musculaire, module la silhouette, améliore la qualité du sommeil, réduit le stress, favorise le bien-être, etc. La liste est longue : mais pratiquer une activité physique n’a pas la même connotation d’une personne à l’autre : tandis que le triathlète réalise aisément 15 ou 20h d’entraînement par semaine, une personne en obésité sévère doit « porter » son poids au quotidien et réhabituer son organisme à se remettre en mouvement. Réaliser 30min de marche active n’est pas aussi évident que nous pourrions l’imaginer de prime abord : encore, une fois, lutter contre le surpoids, c’est établir des méthodes d’accompagnement à la remise en activité physique idéalement guidées par un professionnel. « Manger-bouger » ? Oui, mais comment ? Quels critères objectifs définir pour évaluer l’amélioration et motiver ainsi la personne à poursuivre sa démarche ? Manger quoi et dans quel contexte ? Avec quels moyens et selon quelle symbolique ? Quel est l’état nutritionnel initial ? Existe-t-il des origine métaboliques ou fonctionnelles ? Quel accompagnement l’entourage est-il disposé à proposer ? Autant de questions qui méritent d’être posées au préalable.
- La physiologie et la génétique
De nombreuses pistes sont explorées quant à une origine métabolique ou génétique de l’obésité : dysfonctionnement du métabolisme de la ghréline ou de la leptine, présence de souches bactériennes spécifiques dans la flore intestinale, inflammation chronique du tissu adipeux, etc. La façon dont nous nous alimentons influence l’expression de certains de nos gènes, c’est ce que l’on appelle l’épigénétique. Au même titre que nous savons désormais que la genèse d’une obésité initie des modifications métaboliques et neurobiologiques plaçant la personne obèse dans un véritable cercle vicieux.
Et nous pourrions évoquer encore davantage de facteurs. On comprend aisément toute la complexité de l’obésité : pour autant, être obèse n’est pas une fatalité. Les programmes de santé publique sont initiés depuis plusieurs années : au delà du programme national nutrition santé 1 et 2, le plan obésité 2010-2013 a permis de sécuriser une partie du parcours de soin du patient grâce à une approche pluridisciplinaire, d’initier la recherche et d’identifier 37 centres de référence en France. L’obésité est désormais reconnue comme une maladie chronique, notamment dans ses conséquences. Nous sommes en attente de la suite donnée à ce premier programme.
Pour quelles sont solutions ?
Par contre, les chartes nutritionnelles proposées aux industries agro-alimentaires mériteraient un engagement profond, véritable et non marketing ou politique. Certaines sociétés l’ont heureusement compris et mettent en place une politique nutritionnelle efficace, bien souvent couplée à une démarche responsable ou sociale. Certaines initiatives sont même remarquables. Il s’agit désormais de les diffuser à grande échelle. A partir de critères objectifs et non pas sous l’influence de lobbying, car il s’agit là d’un des leviers principaux sur lesquels nous pouvons agir pour améliorer la santé.
A l’échelle individuelle, il est possible d’agir de manière globale en accompagnant la personne obèse à comprendre pour quelles raisons elle l’est devenue et quelles solutions y apporter :
- Un discours POSITIF. Stoppons la culpabilisation, tout autant que la victimisation. Accompagnons la personne souhaitant sortir du cercle vicieux de l’obésité et entretenons cette motivation en la rendant ACTRICE de sa santé, en commençant par lui rappeler ce qu’elle fait de bien et non plus ce qu’elle fait mal.
- Une prise de conscience de la qualité de l’alimentation, en particulier des dégâts de la consommation excessive des produits riches en sucres sur le poids et la vitalité. Permettre le retour à une alimentation brute, non transformée et si possible d’origine locale : la solution n’est pas dans le régime miracle (il n’existe pas) mais dans le retour à une alimentation de « bon sens ». Prendre conscience de ce que l’on mange est essentiel, par exemple par rapport à l’index glycémique et à la qualité du petit déjeuner : voir les vidéos.
- Une analyse de l’état nutritionnel et micronutritionnel permettant d’identifier les éventuels déficits en micronutriments, perturbations des neuromédiateurs, inflammations ou encore perturbations de la flore intestinale.
- La mise en place d’un programme alimentaire simple, pratique et personnalisé considérant le rythme de vie de la personne, ses attentes, ses besoins : c’est une des clés de réussite : sortons du dogme des régimes drastiques et apportons du plaisir dans l’assiette, autre que celui induit par le sucre. Retrouvons la saveur originelle des aliments et prenons le temps de les mastiquer, de les apprécier, en consacrant un vrai temps au repas.
- Un accompagnement psychologique : l’hypnose et la méditation peuvent être à ce titre des outils précieux. Il est parfois utile d’arrêter de raisonner dans le « Pourquoi » pour mieux agir dans le « Comment ».
- Un accompagnement à la remise en mouvement et à l’activité physique
- Une meilleure information et une meilleure formation des professionnels.
En bref, changeons notre regard sur l’obésité et soyons tous acteurs de notre santé, y compris de notre poids.
Anthony Berthou
(1) European Society of Cardiology. The shape of things to come: study predicts increase in adult obesity prevalence in almost all European countries by 2030.
Bonjour
Est il vrai que l’on perd de la masse grasse en prenant de la tyrosine le matin et du tryptophane vers 17h et au couché ?
Dans l’attente de vous lire.
Merci.
Bonsoir,
Non, ni la tyrosine ni le tryptophane ne font perdre de la masse grasse : toutefois la régulation de la production des neuromédiateurs dont ils sont les précurseurs (dopamine et tryptophane) est nécessaire dans le cadre d’un régime amaigrissant.
A bientôt