Végétarien, végétalien, vegan. Derrière ces termes se cachent des modes alimentaires prônant une alimentation constituée majoritairement ou totalement de végétaux. Selon la croyance populaire, le sportif devrait pourtant manger beaucoup de viande pour répondre à ses besoins nutritionnels accrus par la pratique sportive : qu’en est-il réellement ? Peut-on être vegan et sportif ?
Quelques définitions pour bien comprendre la différence
Il existe de nombreuses nuances autour du terme végétarien, tel qu’il est classiquement utilisé. Une personne végétarienne ne consomme pas de chair animale, mais peut adopter une alimentation de type « ovo-lacto-végétarien » correspondant au végétarisme occidental classique. Un tel modèle alimentaire autorise donc généralement la consommation d’œufs, de miel, de champignons, de lait et de ses produits dérivés. Le végétalisme exclut quant à lui toute source alimentaire animale et est basé sur la consommation exclusive de végétaux ou de champignons. Enfin, le véganisme correspond davantage à un mode de vie fondé sur le refus de l’exploitation animale, sur la base de principes d’ordre moral et politique. Le modèle « vegan » exclue donc tout produit issu des animaux, de leur exploitation ou testé sur eux (cosmétiques, cuir, laine, fourrure, cire d’abeilles, etc.).
A quoi servent les protéines ?
Quand on parle de protéines, à fortiori à un sportif, on pense bien souvent au steak ou à l’escalope de dinde. Or les protéines ne se cantonnent pas à faire du muscle. Elles sont en effet nécessaires à la synthèse des autres tissus de l’organisme, elles assurent la transmission des informations entre les cellules grâce aux neuromédiateurs, d’hormones ou de récepteurs membranaires. Elles sont également à l’origine des anticorps assurant la défense immunitaire, des enzymes indispensables aux milliers de réactions biochimiques ou encore de l’hémoglobine transportant l’oxygène. Bref, elles sont INDISPENSABLES à la vie.
Sous les ordres de leur chef d’orchestre, le code génétique, les cellules fabriquent les protéines à partir de constituants de base, les acides aminés, qu’elles vont lier entre eux grâce à des liaisons dites peptidiques. La chaine ainsi formée va alors se déformer, s’organiser de manière précise dans l’espace et s’associer à d’autres chaines peptidiques. On parle alors de structure protéique primaire, secondaire, tertiaire et quaternaire. Imaginez un long collier de perles liées entre elles de façon harmonieuse, qui s’enroulerait sur lui-même et s’associerait à d’autres colliers de perles pour former une pelote parfaitement stable. Vous avez là vos protéines.
Pour constituer de nouvelles protéines, les cellules ont donc continuellement besoin d’acides aminés. L’organisme étant un économe d’exception, il assure une politique de recyclage drastique de ses acides aminés : c’est ce que l’on appelle le turn-over protéique, à l’instar d’un maçon qui entretiendrait en permanence les murs d’une maison, voire réaliserait des extensions à partir de briques recyclées et de quelques nouvelles briques pour remplacer celles qui se sont cassées au cours du chantier. Un adulte de 70kg assure ainsi la synthèse et la destruction quotidienne d’environ 300 g de protéines parmi environ 10 kg de protéines corporelles. Les acides aminés issus de ce turn-over vont ainsi venir alimenter un « pool » d’acides aminés libres, alors disponibles pour de nouvelles synthèses. Une petite quantité de ces acides aminés est toutefois éliminée chaque jour, mais, toujours dans une logique d’économie, une fraction des acides aminés (la chaine carbonée) est utilisée pour fabriquer de l’énergie ou des corps dits cétoniques. La fraction azotée est quant à elle éliminée par les urines sous forme d’urée et d’ammoniac. L’azote représente l’atome caractéristique des protéines qui leur confère leur caractère indispensable.
Couvrir ses besoins en protéines, un casse-tête chinois ?
Les besoins quantitatifs
C’est en mangeant quotidiennement des protéines alimentaires que vous apportez à vos cellules de nouvelles briques pour entretenir et fabriquer vos protéines. En fonction des situations physiologiques et de la nature des protéines alimentaires, les besoins d’une personne sédentaire sont ainsi estimés à environ 1,2 à 1,5g de protéines par kilo de poids corporel par jour pour assurer ce turn-over protéique de manière optimale (soit 84 à 105g pour un individu de 70kg), le besoin minimal étant évalué à 0,8g/kg poids corporel/jour. La pratique sportive d’endurance augmente toutefois les besoins en protéines pour différentes raisons. Le turn-over protéique, plus important, doit permettre d’assurer une réparation optimale des fibres musculaires lésées au cours de l’effort, en particulier en cas de mouvements excentriques (lors de trails présentant un dénivelé important par exemple). Par ailleurs au cours de la pratique sportive d’endurance, une partie des acides aminés abondants dans le tissu musculaire est utilisée comme source énergétique. Il s’agit des acides aminés dits ramifiés, ou BCAA pour Branched-Chain Amino Acids, désormais bien connus du public averti. Cette voie énergétique peut représenter de 3 et 10% de la dépense énergétique totale, justifiant d’assurer des apports suffisants pour optimiser la récupération musculaire et limiter la survenue de la fatigue dite centrale au cours des efforts de très longue durée. Les recommandations d’apports protéiques pour un sportif d’endurance sont ainsi évaluées entre 1,2 et 1,7 g de protéines par kilo de poids corporel et par jour. Un tel besoin peut être satisfait par une alimentation de type végétarienne à condition de veiller à compléter les apports protéiques végétaux par la consommation d’œufs, de produits laitiers tolérés et éventuellement de boissons de récupération. Chez les adeptes du vegan, la situation se complique et nécessite une attention particulièrement accrue quant aux apports protéiques à chaque repas. Le recours à une complémentation sous forme de protéines végétales en poudre, notamment à base de protéines de chanvre, de pois ou de soja peut alors s’avérer judicieux, bien que les deux dernières sources contiennent certaines substances dites anti-nutritionnelles.
Les besoins qualitatifs
L’organisme a besoin de plusieurs sources de protéines alimentaires pour obtenir tous les acides aminés dans les bonnes proportions. Les cellules utilisent en effet une vingtaine d’acides aminés de nature différente pour synthétiser l’ensemble des protéines corporelles. Or elles ne savent pas en fabriquer huit d’entre eux (voire davantage en fonction des situations et des âges de la vie), ce qui prévaut d’ailleurs à ces acides aminés le qualificatif « d’acides aminés essentiels ». Les sources alimentaires doivent donc être variées de façon à couvrir les besoins dans la totalité de ces acides aminés. On distingue classiquement :
- Les protéines animales: la viande, le poisson, les fruits de mer, les crustacés, les coquillages, les œufs, les produits laitiers, etc.
- Les protéines végétales: parfois moins connues, les protéines végétales sont abondantes dans les légumineuses (lentilles, fèves, haricots secs, pois cassés, pois chiches), certaines plantes (le chanvre), le quinoa, le soja et en moindre quantité dans les produits céréaliers.
Toutefois, à quantité égale, toutes les protéines ne se valent pas. Plusieurs mesures ont ainsi été définies pour évaluer la qualité d’une protéine alimentaire.
La valeur biologique et le coefficient d’efficacité protéique permettent par exemple de déterminer la qualité globale d’une protéine et la capacité de l’organisme à bien assimiler l’azote qu’elles contiennent. L’objectif n’étant pas ici de réaliser un cours de biochimie, nous ne nous attarderons pas davantage sur ces notions ! Une mesure qui nous intéresse davantage ici, car en rapport direct avec la qualité de l’alimentation, est l’indice chimique. Il ne s’agit nullement d’un moyen d’élucider l’énigme de la biologie cellulaire… mais d’une valeur permettant de comparer la qualité d’une protéine alimentaire par rapport à une protéine théorique qui, si elle existait, apporterait tous les acides aminés essentiels dans les parfaites proportions, pour couvrir tous les besoins de l’organisme. Pendant de longues années, la protéine de référence a été celle issue de l’œuf, puis elle a été remplacée par une protéine virtuelle dont la composition varie en fonction des âges, la CTFAO, et dont l’indice chimique est arbitrairement défini à 100.
L’aminogramme d’une protéine quantifie la valeur en chaque acide aminé essentiel et permet ainsi de définir son indice chimique : s’il est inférieur à 100, cela signifie que certains acides aminés sont manquants ou en quantité insuffisante. Certaines protéines issues d’une fabrication industrielle peuvent à l’inverse posséder un indice chimique supérieur à 100, leur formulation ayant été réalisée de façon à apporter à minima tous les acides aminés essentiels dans les quantités idéales théoriques.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là… Cet indice chimique peut en effet être pondéré en fonction de la digestibilité de la protéine, on parle alors d’index di-sco. Les protéines issues du soja présentent par exemple un indice supérieur à 90 alors que celui des lentilles est de 52 du fait de la présence de fibres ou de facteurs dits antinutritionnels telle que l’antitrypsine. Les protéines issues des céréales sont par ailleurs pauvres en Lysine et en Tryptophane mais présentent une teneur qualitative en acides aminés soufrés à l’inverse des protéines issues des légumineuses, faisant de l’association de ces deux aliments une combinaison intéressante pour assurer un apport équilibré dans les différents acides aminés. Les protéines animales présentent quant à elle un indice supérieur à 95 en moyenne. Toutefois, si vous faites griller votre viande ou votre poisson, vous provoquez une réaction dite de Maillard, à l’origine certes du « bon » gout grillé, mais aussi et surtout d’une perte d’assimilation de la Lysine. La meilleure des cuissons pour préserver la qualité des protéines est donc une cuisson douce, telle que la cuisson à la vapeur.
En conclusion de cette partie relative à la qualité des protéines, il est important de retenir l’existence d’une complémentarité entre les sources de protéines. Le défaut d’apport en acides aminés de certaines protéines sera compensé par une autre source protéique. Les végétariens appliquent cette règle en associant bien souvent au cours d’un même repas les protéines végétales issues des céréales avec celles des légumineuses. Ainsi, sur la base de la satisfaction qualitative des besoins en protéines, une alimentation végétarienne peut tout à fait s’avérer équilibrée. De même que d’une manière générale, les protéines animales se complètent avec les protéines végétales. On parle idéalement d’un rapport « protéines animales/protéines végétales » de 1, alors qu’il est actuellement d’environ 2, faisant ainsi la part belle aux protéines animales.
Quelles sont les conséquences nutritionnelles de ces modèles alimentaires ?
A l’échelle de l’humanité, la consommation de produits animaux ne date pas d’hier. La séparation des hominidés avec les grands singes date d’environ 9 millions d’années. L’étude de l’alimentation en milieu naturel des chimpanzés, primates les plus proches de l’homme, révèle en effet une consommation de protéines animales sous forme de petits singes et de termites. Au fil de sa migration géographique depuis 2, 5 millions d’années, l’homme a progressivement augmenté sa consommation de produits animaux. Elle a par exemple atteint jusqu’à 90% de l’alimentation chez les Eskimos Inuits traditionnels.
Les besoins en nutriments ont également évolué en fonction de cette adaptation progressive. Certains d’entre eux, uniquement présents dans le règne animal, sont ainsi devenus indispensables. Le plus connu est la vitamine B12 qui représente la vitamine la plus à risque de déficit chez une personne adoptant un régime de type vegan ou végétalien. Le maintien de la consommation d’œuf et de produits laitiers peut toutefois permettre de maintenir un statut satisfaisant si une attention particulière est apportée sur ce point. Chez les personnes vegan ou végétaliennes, la complémentation est par contre indispensable.
Certains acides gras polyinsaturés à très longues chaînes, l’EPA et le DHA, sont également des nutriments nécessitant une certaine vigilance en cas de régime végétarien ou végétalien. En effet ces acides gras, de la famille des oméga 3, sont soit apportés par les produits d’origine marine (poissons gras et algues), soit fabriqués par l’organisme à partir d’un autre acide gras d’origine végétal, l’acide alpha-linolénique (ALA). Ils interviennent dans la structure des membranes cellulaires, en particulier des neurones et des bâtonnets de la rétine, dans la régulation de l’inflammation et dans la prévention des maladies cardio-vasculaires. Or au delà des apports actuels en oméga 3 déficitaires dans la plupart de la population occidentale, l’homme, en particulier les nourrissons et les personnes âgées, métabolisent difficilement l’ALA en DHA et en EPA, de l’ordre de quelques pourcents. Ainsi une alimentation totalement dépourvue de produits d’origine marine expose à un risque accru de déficit en EPA et en DHA. L’utilisation d’une complémentation à base d’algues peut alors être envisagée. Par ailleurs, le statut nutritionnel en micronutriments impliqués dans le fonctionnement de l’enzyme à l’origine de la conversion de l’ALA en EPA et DHA doit être optimal. Il s’agit essentiellement du Magnésium, du Fer, du Cuivre, du Zinc, des vitamines C et B6.
L’apport de certains minéraux doit également être surveillé du fait de leur présence essentiellement dans les produits d’origine animale, en particulier le Zinc dont les besoins sont accrus par la pratique sportive. Le Fer est par ailleurs régulièrement mis en avant dans les risques de déficits chez les personnes végétariennes ou végétaliennes, à fortiori sportives. En effet des substances présentes dans les produits céréaliers complets, qualifiées de « chélateurs », tes que les phytates, réduisent la bonne assimilation de certains minéraux, en particulier du Fer, du Zinc et du Calcium. Pour autant la consommation d’aliments riches en Fer, donc la valeur absolue des apports alimentaires, semble plus importante. Tremper les produits céréaliers complets dès la veille dans de l’eau ou les consommer sous forme germée permet de réduire jusqu’à au 60% l’action des phytates en activant une enzyme présente dans l’enveloppe des céréales, la phytase. La Taurine, bien que naturellement produite par l’organisme en petite quantité, est surtout apportée par les produits d’origine animale. Au delà de la controverse que suscite sa grande consommation dans les produits énergisants en association avec d’autres actifs telle que la caféine, la Taurine n’en demeure pas moins essentielle au bon fonctionnement hépatique, cardio-vasculaire et musculaire. Certaines études mettent en évidence des taux bas dans les populations végétarienne. Il en est de même pour la créatine dont la production par l’organisme couvre environ 50% des besoins quotidiens, les autres 50% étant apportés par les produits d’origine animale. La créatine est en effet naturellement présente dans le muscle, du fait de son rôle dans le métabolisme énergétique au cours des efforts à haute intensité.
Par ailleurs, l’alimentation à base de produits essentiellement ou intégralement végétaux se caractérise logiquement par une consommation accrue de produits céréaliers complets et de légumineuses. Ces aliments contiennent toutefois des facteurs antinutritionnels ou des substances altérant la bonne assimilation de ces sources protéiques ou pouvant être responsables de toxicité lorsqu’ils sont consommés en grande quantité. Les plus connues sont l’antitrypsine à l’origine d’un blocage de l’assimilation de la Trypsine (un des acides aminés essentiels), les saponines, le glycosine cyanogène et les lectines. Toutefois le trempage préalable, la cuisson prolongée, la fermentation et la germination permettent de réduire la présence de ces substances.
Apport nutritionnel | Différence Vegan / Omnivore |
Acides gras saturés | Vegan : 5% de l’énergie Mangeurs de viande : 10-11% |
Apport énergétique | 14% inférieur chez les vegan |
Fibres | 41% plus chez les hommes vegan que les omnivores 36% plus chez les femmes vegan que les omnivores |
Vitamines | Vegan : Apports plus importants en vitamines B1, B9, C, E Apports plus faibles en rétinol, vitamines B12 et D |
Minéraux | Vegan : Apports plus importants en Magnésium et Fer Apports plus faibles en Calcium et Zinc |
Davey GK et al. EPIC-Oxford: lifestyle characteristics and nutrient intakes in a cohort of 33 883 meat-eaters and 31 546 non meat-eaters in the UK. Public Health Nutr. 2003 May;6(3):259-69.
Quels avantages peut-on retirer à être végétarien ?
D’un point de vue strictement nutritionnel, à condition de couvrir les besoins protéiques quantitatifs et qualitatifs en fonction des éléments évoqués ci-dessus, une alimentation à dominante ou totalement végétale peut présenter plusieurs intérêts. De facto, les personnes végétariennes sont globalement plus attentives à leur alimentation et à leur hygiène de vie. Il est donc difficile, pour ne pas dire impossible, de conclure que l’amélioration possible d’un état de santé soit liée à la stricte éviction des produits animaux. Pour autant, une étude menée en 1999 par Key & Coll. a mis en évidence une diminution de la mortalité cardio-vasculaire de 34% chez les végétariens comparativement aux omnivores. Le recours à une alimentation plus riche en végétaux (fruits, légumes, légumineuses, produits céréaliers complets, épices et aromates) permet par ailleurs d’augmenter la densité nutritionnelle des aliments en faveur d’un meilleur état de santé. De même que la limitation ou l’exclusion des produits animaux, notamment transformés et industriels, permet de réduire les apports en additifs et en sel. La consommation de viande issue d’élevages intensifs augmente également les apports en acides gras saturés et de type oméga 6, dont l’excès favorise l’inflammation et les risques cardiovasculaires. Une consommation occasionnelle de viande pourrait ainsi réduire les risques de mortalité cardiovasculaire de 20% selon la même étude. Pour autant, les résultats sont tout aussi bénéfiques chez les personnes mangeant régulièrement du poisson. Ainsi, il semble difficile de conclure à une prévention des risques cardiovasculaires plus importante chez les végétariens par rapport aux omnivores. Pour autant, la consommation de plus en plus importante de produits animaux ou de poissons issus d’élevages intensifs, nourris aux antibiotiques et aux farines, ou de produits transformés ne tend pas vers une alimentation plus respectueuse de la santé.
Ainsi, le choix d’une alimentation plus raisonnée, autant en terme de quantité de protéines animales que d’origine (si possible biologique ou produit de manière raisonnée localement), représente indéniablement des choix alimentaires pertinents, d’autant plus si une part belle est faite au poisson. De même que réintégrer plus fréquemment dans les assiettes des légumineuses, des produits céréaliers complets d’origine biologique et des végétaux de qualité ne peut qu’être encouragé. La solution se trouverait-elle dans un juste milieu favorisant l’agriculture raisonnée ?
Anthony Berthou
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