Vous prendrez bien une petite brochette de grillons ? On vante en effet de plus en plus les qualités nutritionnelles et environnementales des insectes. Alors, est-il intéressant de se jeter à l’eau ?
Un enjeu mondial de l’alimentation
L’évolution actuelle de la démographie mondiale corrélée à la consommation croissante des protéines animales place la population face à une impasse nutritionnelle et écologique. Pour nourrir – et surtout mieux nourrir – l’ensemble des habitants de la planète, des solutions alternatives doivent donc être mises en place : valorisation des protéines d’origine végétale (céréales, légumineuses) et développement de solutions alternatives, notamment l’élevage d’insectes à grande échelle, comme le recommande l’Organisation Mondiale de la Santé depuis 2013.
Les insectes, quels atouts représentent-ils ?
- Intérêts nutritionnels
Ces petites bêtes s’avèrent être de très bonnes sources de protéines (45 à 75% du poids sec), d’acides gras oméga 3 et 6, et de minéraux: fer, zinc, magnésium, cuivre, sélénium, etc. Selon l’espèce et l’alimentation des insectes, certaines de ces teneurs peuvent aller jusqu’à couvrir 100% de nos besoins journaliers en certains micronutriments.
- Intérêts environnementaux
Sur cet aspect, les insectes tirent également leur épingle du jeu. En effet, l’élevage d’insectes possède une faible empreinte environnementale et hydrique en comparaison des élevages traditionnels. Il suffit de 2kg d’aliments pour produire 1kg d’insectes, quand il en faut 8 pour la même quantité de viande de bœuf. De plus l’élevage d’insectes produit très peu de gaz à effet de serre et est en mesure d’utiliser en circuit fermé les déchets organiques produits par d’autres animaux.
- Autres intérêts
De nombreux composés issus des insectes peuvent être exploités : colorant naturel (rouge de cochenille) ou plastique dégradable (la chitine, biopolymère servant à la préparation de biomatériaux). Ils sont par ailleurs indispensables à la pollinisation.
Existe-t-il des dangers à manger des insectes ?
Consommés à l’état sauvage, les insectes peuvent être porteurs de parasites ou bactéries notamment s’ils sont consommés crus ou seulement lyophilisés. Les insectes peuvent également s’avérer toxiques suite à la consommation de médicaments, de pesticides ou encore de matières organiques. Ils contiennent par ailleurs certains facteurs antinutritionnels (acide phytique, tannins, …) pouvant impacter leur qualité nutritionnelle. Ces points font l’objet de mesures prophylaxiques de plus en plus rigoureuses en parallèle de la structuration des élevages.
Où en trouver ?
Malgré une réglementation qui ne permet pas encore la démocratisation de leur commercialisation en France, internet regorge de farines d’insectes et d’insectes séchés à consommer lors à l’apéritif ou encore sous forme de produits dérivés (pâtes par exemple). La réglementation actuelle qui concernerait les insectes appartient aux textes de la Novel Food (Règlement n°258/97 de la Commission Européenne). Ces règlements européens restent à ce jour imprécis quant à l’utilisation des insectes à destination humaine, mais l’autorisent à destination des animaux.
Malgré leurs intérêts certains, la barrière culturelle reste un obstacle de taille à la consommation d’insectes en France. Toutefois, au regard des enjeux mondiaux de l’alimentation, la tentation de les conseiller est évidente…. Alors, futurs gastronomes entomophages, bonne dégustation 😉 .
Pour ceux qui souhaitent prolonger la réflexion et découvrir le dossier complet, c’est par ici !
Je vous imagine déjà faire la grimace à la seule lecture du titre…. Et pourtant, accrochez-vous, car le sujet est sérieux et il en vaut la peine. Alors qu’il y a encore quelques années, un pizzaiolo Breton passait au journal télévisé pour présenter ses pizzas aux insectes, on peut aujourd’hui partager un apéritif autour de grillons au paprika, cuisiner des torsades aux grillons ou s’offrir une barre hyperprotéinée à base de vers en guise de collation sportive. Convaincu de l’intérêt que représente ce sujet depuis des années, j’ai eu l’occasion d’échanger ou de rencontrer chacun des acteurs cités dans cet article. Ils ont tous un point commun : ils sont convaincus de l’opportunité que représente la consommation d’insectes dans les enjeux alimentaires mondiaux, bien au-delà des standards marketing. Pour ma part, l’intérêt pour le sujet a débuté dans les dédales d’un marché Péruvien, où j’ai, pour la première fois, été confronté au délicat choix de gouter une brochette de vers grillés… Ma curiosité pour ce nouveau met a alors été attisée, autant sur le plan de l’expérience personnelle que sur le versant professionnel. Car oui, il s’agit bien là d’un enjeu mondial. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture recommande elle-même la mise en place d’élevages d’insectes à grande échelle depuis 2013.
1) En quoi la consommation d’insectes représente-t-elle un enjeu mondial de l’alimentation ?
C’est un constat malheureusement évident : au regard de l’évolution de la démographie et de la tendance actuelle de la population mondiale à augmenter sa consommation de protéines animales, nous nous dirigeons irrémédiablement vers une impasse nutritionnelle et écologique si nos comportements alimentaires ne changent pas. Selon la FAO (Food and Agriculture Organization), la consommation mondiale de protéines animales a ainsi doublé en moins de 50 ans et devrait encore augmenter de 70% pour nourrir les plus de 9,6 milliards d’habitants de la planète en 2050. Au delà des effets de ces changements alimentaires sur la santé, l’impact écologique d’un tel élevage intensif représente un enjeu mondial majeur. Les projections économiques et démographiques mettent en effet en évidence, qu’en l’état actuel des ressources et des connaissances sur leur exploitation, la généralisation du niveau de consommation des protéines animales des pays les plus riches ne peut pas être maintenue à long terme compte tenu de ses conséquences sur l’environnement. Des solutions alternatives doivent donc être trouvées, notamment la valorisation des protéines végétales et le développement de solutions alternatives, dont la consommation de protéines d’insectes. Car à la différence du bœuf ou du porc, vous pouvez consommer et élever facilement des insectes dans le monde entier, le tout dans un faible espace et avec une empreinte écologique mineure en comparaison des élevages conventionnels.
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2) Vous êtes entomophage sans le savoir
Loin d’être considérés comme une source alimentaire d’urgence en cas de famines, les insectes constituent un aliment de base pour de nombreuses populations. Les chenilles mopanes en Afrique australe, ou encore les œufs de fourmis tisserande (œcophylla smaragdina) en Asie du Sud-Est, sont même considérés comme de véritables mets de luxe. Selon la FAO, près de 2,5 milliards d’humains mangent ainsi régulièrement des insectes dans le monde (1), en particulier en Asie, en Afrique et en Amérique latine. En 2014, 2086 espèces d’insectes étaient consommées dans le monde, à travers 130 pays et par 3071 groupes ethniques (2). Traditionnellement développée dans les populations rurales, l’entomophagie a progressivement gagné les villes, essentiellement à destination des populations urbaines les plus pauvres. La collecte des insectes a ainsi laissé la place à une industrie de production de masse d’insectes comestibles, en particulier en Thaïlande (3) : grillons, criquets, sauterelles, abeilles, guêpes, fourmis, charançons, longicornes, chenilles, termites ou encore punaises d’eau (4, 5). Voilà de quoi alimenter la liste de courses des rares français consommateurs d’insectes convertis ou tout simplement à la recherche de sensations nouvelles à l’apéritif.
Loin d’être anecdotique, la production occidentale d’insectes se structure et une véritable filière se met en place, soulevant alors un cortège de questions éthiques, sanitaires et réglementaires. Même si nos préceptes culturels occidentaux s’en trouvent parfois choqués, la consommation d’insectes fait ainsi désormais bel et bien partie de votre quotidien. En effet, bien que les normes du codex alimentarius interdisent la présence d’insectes entiers vivants dans les végétaux, elles autorisent celle de fragments d’insectes, à hauteur de 0,1% maximum. L’entomologiste Marcel Dicke de l’université de Wageningen au Pays-Bas, estime ainsi entre 500g et 1kg la consommation involontaire annuelle de fragments d’insectes, notamment dans les produits fabriqués à base de farine (pain, pâtes, biscuits, etc.), chocolat, fruits et jus de fruits et légumes. Ce point permet d’ailleurs d’expliquer en partie les raisons pour lesquelles les populations végétariennes asiatiques ne souffrent pas de déficit en vitamine B12, seule vitamine présente exclusivement dans le règne animal. Vous ne regarderez plus votre tablette de chocolat du même œil désormais…
3) Les atouts des insectes
De nombreux facteurs arguent en faveur d’un développement important de la consommation mondiale d’insectes au cours des prochaines années, notamment du fait de leurs intérêts nutritionnels et environnementaux.
- Intérêt nutritionnel
Les insectes peuvent représenter des sources importantes de protéines dont les acides aminés constitutifs sont adaptés aux besoins humains, de lipides et de micronutriments (6,7). Ainsi, en considérant la matière sèche des insectes, certaines espèces peuvent contenir de 45 à 75% de leur poids sec sous forme de protéines. Les teneurs et la composition en acides aminés apparaissent toutefois très variables en fonction des espèces, certains insectes étant par exemple pauvres en méthionine à la différence des viandes. Des études relatives à la digestibilité et à l’efficacité de conversion du contenu en acides aminés sont actuellement en cours pour préciser l’intérêt des protéines d’insectes en comparaison des protéines animales. Concernant l’apport lipidique, les variations sont également importantes : les insectes contiennent entre 7 et 77% de graisses par rapport au poids sec selon leur origine et leur régime alimentaire, les taux les plus importants étant ceux des larves et des nymphes. Point intéressant : la nature de ces graisses. En effet, les acides gras constitutifs sont essentiellement présents sous forme polyinsaturée (omégas 3 et 6), à la différence du porc ou du bœuf (8). En matière de micronutriments, les insectes ne sont pas des micro-sources ! En effet, 100g par jour de certaines espèces peuvent couvrir l’ensemble des besoins en Fer et en Zinc, mais également en Magnésium, Cuivre, Manganèse, Sélénium et Phosphore. Là aussi, les teneurs varient en fonction des espèces, de leur stade de développement et de leur régime alimentaire, mais une telle composition représente un atout certain en matière de couverture des besoins micronutritionnels, en particulier dans les pays en développement (9,10). La teneur en minéraux varie, elle-aussi, en fonction de l’espèce d’insectes, de son stade de développement et de son régime alimentaire (11, 12, 13). Concernant les apports en vitamines, les données sont très variables, mais une sélection rigoureuse des espèces pourrait également permettre de couvrir les besoins, notamment en enrichissant l’alimentation des insectes en ces vitamines (14). Une récente étude, datée de 2015(15), a comparé la composition nutritionnelle de notre viande actuelle (bœuf, porc et poulet) avec différentes espèces d’insectes. Les tableaux résultant de leurs analyses mettent en évidence l’intérêt micronutritionnel d’une consommation d’insectes.
En conclusion sur la partie nutritionnelle, les insectes représentent indéniablement une source alimentaire particulièrement intéressante en protéines, en acides gras polyinsaturés et en minéraux (Fer, Zinc, Magnésium). Toutefois, de nombreux facteurs peuvent moduler leur composition, en particulier le climat, la nourriture, l’habitat, le mode de préparation ou encore les méthodes d’analyse (16, 17, 18, 19). Ces teneurs sont également à nuancer par le faible poids des insectes, mais une telle concentration permet une couverture significative des besoins nutritionnels, par la simple consommation de quelques insectes. Ces derniers contiennent également des composés pouvant présenter des intérêts nutritionnels, en particulier le chitosan, la glucosamine et les chitooligosaccharides. Enfin – et c’est sérieux – le mode d’abattage des insectes peut modifier leur valeur nutritionnelle : alors que la congélation dénature peu la qualité nutritionnelle, l’ébouillantage est quant à lui responsable d’une dénaturation partielle des protéines et d’une perte en micronutriments thermosensibles, même si cette dernière méthode apparaît plus sécurisante au niveau sanitaire.
- Intérêt environnemental
En matière d’environnement, les insectes sortent également leur épingle du jeu. En effet, l’élevage d’insectes possède une faible empreinte environnementale et hydrique en comparaison des élevages traditionnels. Les travaux de Oonincx et de Boer (20) ont ainsi visé à quantifier l’empreinte écologique d’un élevage de ténébrions (Tenebrio molitor) basé au Pays-Bas, par le biais d’une analyse de cycle de vie, identifiant tous les processus liés au cycle de production (fabrication et transport des aliments, engrais, énergie, etc.) et prenant en compte le potentiel de réchauffement planétaire, l’utilisation de l’énergie fossile et l’utilisation au sol. Selon les auteurs, pour deux des trois paramètres étudiés, la production de Tenebrio molitor apparaît moins respectueuse de l’environnement que le soja, mais davantage que les productions animales conventionnelles. De plus, les insectes présentent un indice de conversion alimentaire (quantité de nourriture requise pour produire une augmentation de poids de 1 kg) élevé par rapport aux animaux à sang chaud issus des élevages conventionnels (21). En moyenne, 2kg d’aliments sont nécessaires pour produire 1 kg d’insectes, tandis que les bovins exigent 8kg d’aliments pour produire 1 kg d’augmentation de la masse corporelle animale.
De même, la production de gaz à effet de serre par la plupart des insectes apparaît moins importante que celle du bétail : à titre d’exemple, les porcs produisent 10 à 100 fois plus de gaz à effet de serre par kilogramme d’insecte. Ce point est loin d’apparaître négligeable lorsque l’on sait qu’au niveau mondial, les productions bovines de viande et de lait seraient à l’origine de la majorité des émissions totales produites par les élevages, respectivement 41% et 20%, alors que les émissions issues des productions porcines et avicoles (chair et œufs) atteindraient respectivement 9% et 8% des émissions totales produites par les élevages (22). Hormis les blattes, les termites et les scarabées, les insectes ne produisent par ailleurs pas de méthane du fait de l’absence de système digestif. Selon la FAO, l’agriculture consomme jusqu’à 70% de l’eau extraite des nappes souterraines, des cours d’eau et des lacs. Pour faire face à la demande alimentaire croissante, cette fraction devrait augmenter de 14% entre la période 2000-2030. Et à la différence des élevages conventionnels, l’élevage d’insectes ne requière que très peu d’apport supplémentaire par rapport à l’eau déjà contenue dans les aliments (22, 23). Enfin, et il s’agit d’un point essentiel dans le cadre de la perspective d’une intensification des élevages d’insectes, ces derniers peuvent se nourrir de déchets organiques (déchets alimentaires et humains, compost, lisier, etc.) pouvant être transformés en protéines de haute qualité utilisables pour l’alimentation du bétail ou des poissons d’élevage. Un tel élevage représente donc une solution écologique particulièrement intéressante. Plusieurs projets d’optimisation de bioconversion des déchets organiques par les mouches ont ainsi vu le jour en Suisse, aux Etats-Unis, en Chine, en Afrique du Sud ou encore en Espagne.
- Autres atouts
A l’instar des abeilles, les insectes sont indispensables à la pollinisation et à la lutte biologique. Les produits issus de la ruche (propolis, gelée royale, miel) représentent des aliments traditionnellement utilisés pour leurs propriétés nutritionnelles et thérapeutiques. La couleur naturelle des insectes, telle le rouge de la cochenille, a été utilisée par les Aztèques en tant que colorant et l’est encore aujourd’hui par l’industrie agro-alimentaire.
La chitine est un biopolymère naturellement présent dans les crustacés, mais aussi dans la carapace des insectes qui présente alors une structure spécifique. La chitine peut ainsi être utilisée pour la préparation de biomatériaux, tels les revêtements et les plastiques dégradables.
Sur le versant socio-économique, la collecte et l’élevage d’insectes peuvent par ailleurs offrir d’importantes stratégies de diversification des moyens de subsistance pour les pays en développement, notamment du fait de leur facilité d’élevage à l’état naturel et des faibles investissements financiers nécessaires. Serge Verniau, ancien dirigeant de la FAO, fut l’un des premiers à porter le projet de développement des élevages d’insectes, en œuvrant brillamment pour le développement des élevages locaux et de leur impact économique positif.
4) Existe-t-il des dangers à manger des insectes ?
Les instances sanitaires mettent en évidence deux grands types de risque. Des risques soit spécifiques à l’espèce – présence de dangers d’origine microbienne, de corps étrangers, de substances toxiques, de substances anti-nutritionnelles ou d’allergènes – soit liés aux pratiques d’élevage, de transformation ou aux conditions de conservation et de transport. Les principaux dangers apparaissent liés à la présence de substances toxiques fabriquées par l’insecte tels que des substances urticantes, du venin ou les dards eux-mêmes. Les insectes peuvent également s’avérer secondairement toxiques suite à l’accumulation de toxines végétales, de médicaments vétérinaires, de pesticides, de polluants organiques ou de métaux lourds. Du Cadmium a ainsi été mis en évidence dans les larves de ténébrion (Tenebrio molitor) (24), du plomb dans des grillons grillés au Mexique (25) ou encore de l’arsenic chez un lépidoptère consommé par les aborigènes en Australie (26). La consommation de matériaux de contact, lorsque les larves grignotent par exemple du plastique, représente également un risque devant être maîtrisé en condition d’élevage. Certains insectes présentent également des taux de facteurs antinutritionnels significatifs (acide phytique, oxalates, acide cyanhydrique, tannins, thiaminase, etc.). La chitine et l’un de ses dérivés, le chitosan, peuvent également être considérés comme des facteurs antinutritionnels. En effet outre le fait que la chitine est peu ou pas digérée par les animaux dont l’appareil digestif est souvent dépourvu de chitinase, cette molécule peut se lier aux lipides et former un gel, à l’origine d’une moindre biodisponibilité par emprisonnement de certaines vitamines et minéraux. Toutefois, un avis de l’EFSA indique l’absence de risque pour l’homme d’un complément alimentaire constitué de 90% de chitine-glucane, à hauteur de 2 à 5g/jour. Les insectes, notamment ceux envisagés pour la production de masse, peuvent également être porteurs de bactéries ou de parasites, en particulier lorsqu’ils sont consommés crus ou suite à une lyophilisation. Ainsi des parasites ont été mis en évidence dans des échantillons d’insectes dans le cadre d’une étude sur les parasitoses intestinales en Asie du Sud-Est (27). A l’inverse, les insectes présentent un faible risque de transmission de maladies zoonotiques (maladies transmises des animaux aux humains) comme la grippe H1N1 (grippe aviaire) et l’ESB (maladie de la vache folle). Ainsi, dans le cadre de la consommation humaine, les conditions de choix des espèces, d’élevage, de préparation et de conditionnement des insectes apparaissent comme des facteurs sanitaires essentiels à considérer et dont la traçabilité devra être assurée avant toute démocratisation de leur commercialisation. C’est à ce prix que l’ANSES, l’agence sanitaire de sécurité alimentaire française, estime la consommation d’insectes et de leurs dérivés comme sécure, comme elle l’a récemment précisé à travers la publication d’un avis en Février 2015 (28).
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5) Peut-on commercialiser des insectes dans un but alimentaire en France aujourd’hui ?
C’est tout l’enjeu des débats réglementaires actuels, en particulier au sein de l’Union Européenne. Face à l’engouement des industriels et des scientifiques pour ces perspectives d’élevage intensif, la réglementation doit s’adapter. A l’heure actuelle, l’exploitation des insectes relève en effet de plusieurs textes, notamment ceux sur les animaux d’élevage, les sous-produits animaux, les aliments pour animaux et les nouveaux aliments pour l’homme. Toutefois, il n’existe pas encore de règlementation spécifique aux élevages d’insectes. Elle devra donc être précisée pour permettre le développement d’une économie fondée sur l’exploitation des insectes à but alimentaire. A titre d’exemple et selon le Règlement (UE) n°999/2001, les produits issus des insectes ne sont pas considérés comme des protéines animales transformées et ne peuvent donc pas être utilisés pour l’aquaculture, à la différence des autres sources animales. De même, l’usage des insectes en alimentation humaine relève du Règlement n°258/97 de la Commission Européenne, relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients, plus connu sous le terme de règlement novel food. Or le règlement actuel est imprécis puisqu’il ne vise que les parties d’animaux (et non les insectes entiers) et ambigu. Il demeure en effet une difficulté d’interprétation du « degré significatif » de consommation antérieure à 1997, qui fonde pourtant cette règlementation. Ainsi, aucune autorisation n’a été accordée à ce jour au niveau Européen, même si certains pays semblent faire preuve de souplesse, à l’instar des Pays-Bas, de l’Angleterre ou de la Belgique ayant autorisé la mise sur le marché de dix espèces d’insectes. Actuellement, en France, aucun insecte, ni dérivé d’insecte, ne peut être mis sur le marché pour l’alimentation humaine en conformité stricte avec la règlementation actuellement en vigueur, tant qu’aucune harmonisation européenne pour l’autorisation de commercialisation sur l’ensemble du marché communautaire n’a été mise en place. Ce projet d’harmonisation devrait voir le jour en 2016.
Si vous vous aventurez dans la jungle du web, vous pourrez malgré tout faire aisément votre marché aux insectes. Certains insectes séchés sont ainsi commercialisés entiers pour le snacking, à l’image des produits d’apéritif proposés par les sociétés Jiminis et micronutris, ou comme ingrédients sous forme de farine après broyage. Dans ce dernier cas, plusieurs sociétés proposent par exemple des barres hyperprotéinées, telle la marque nouvellement Londonienne Getsharp ou la marque américaine Exo. La société Insectes comestibles, distribue quant à elle des insectes entiers et des produits dérivés tels que des pâtes à base de grillons et de spiruline. En parallèle de l’alimentation humaine, plusieurs startups ont vu le jour dans le but de commercialiser des farines d’insectes à destination de l’alimentation animale. La jeune société Ynsect a ainsi récemment levé 1,8 millions d’euro pour poursuivre son développement. Après avoir rencontré l’un de ses dirigeants, force est de constater que ce marché se structure solidement, grâce notamment une dynamique constructive entre les autorités de santé et les jeunes industries, point suffisamment rare pour le souligner. Début 2016, une structure a même implanté ses locaux en France, dans la région Rhône-Alpes Auvergne. Une première. La société SFLY, localisée en Malaisie depuis sa création, est spécialisée dans la production d’insectes destinés à l’alimentation animale. Cette entreprise met également un point d’honneur à valoriser les déchets de leurs insectes.
Grâce à ces structures innovantes et à la volonté de quelques Hommes, la réglementation évolue pour offrir au consommateur occidental toute la sécurité sanitaire nécessaire à son bien-être physiologique. Mais apparaît alors une vraie question, celle d’ordre culturelle, auxquelles les instances réglementaires ne pourront pas répondre : notre ouverture d’esprit et notre curiosité gustative évolueront-elles aussi vite que les enjeux mondiaux de l’alimentation ?
Anthony Berthou
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Waouh, ça ce qu’on appelle un article complet. Félicitation.
De mon côté, je pense surtout que c’est une question de moeurs. Vivant en ThaÏlande, consommer des insectes est monnaie courante. D’ailleurs, je me suis surpris à manger mon cornet de sauterelles grillées jusqu’à la dernière patte.
Néanmoins, entre manger un insecte pour le fun (ou en apéritif) et en faire un plat principal, il y a une réelle différence. Je ne suis pas sur que notre société occidentale soit prête.
Certes notre cerveau ne reçoit pas l’insecte comme de la bonne nourriture à l’origine mais ça n’empêche pas qu’au fil du temps je n’ai plus aucun mal à remplacer la cacahuète de l’apéritif par un bon criquet ! À essayer absolument !
Bonjour, manger des insectes est il bon pour notre équilibre acido-basique ? Connaissez vous l’indice PRAL de ces aliments ?
Toutes les protéines animales présentent un PRAL positif, donc elles sont acidifiantes, mais tout à fait intégrables dans une alimentation équilibrée riche en fruits et légumes pour leur richesse en citrates.
A bientôt,
Ca donne de l’espoir !
A titre personnel je pense que c’est une partie de l’alimentation du futur. Au premier regard cela est peu ragoûtant mais tout est question d’habitude. Donnez ce type d’alimentation à des enfants et il garderont cette façon de manger pour le reste de la vie.
Actuellement, bon nombre de personnes mangent des escargots, cuisses de grenouilles, huitres vivantes…
Les insectes, reste à voir l’aspect gustatif 🙂