Cuire ou ne pas cuire ?
Cuire des aliments présente des avantages. La cuisson permet par exemple de faciliter la digestion des fibres alimentaires, d’inactiver partiellement certains facteurs antinutritionnels, de favoriser l’assimilation de certains micronutriments ou encore de limiter les risques de contamination. Elle permet également de créer des plats savoureux et de satisfaire le plaisir de la cuisine. Elle augmente par ailleurs l’assimilation de composés liposolubles en présence d’huile (certains actifs végétaux comme la curcumine ou les caroténoïdes des légumes colorés orange- rouge par exemple).
Toutefois, la cuisson dégrade également la qualité nutritionnelle des aliments et peut produire des composés délétères pour la santé. La cuisson prolongée provoque notamment une perte de vitamines dites thermosensibles, oxyde les acides gras, dénature les protéines et les glucides en générant une glycation responsable de l’apparition de molécules potentiellement toxiques.
Il est donc important de trouver le bon “compromis”, notamment concernant le couple temps / température permettant d’optimiser la cuisson en dégradant le moins possible la qualité des aliments.
Cuisson et perte de vitamines
D’une manière générale, de nombreuses vitamines sont sensibles à la chaleur. Les aliments peuvent ainsi rapidement perdre 50% de leur teneur initiale en vitamines A, C, B1, B2, B3, B6, B12 et surtout B9. La teneur en minéraux est quant à elle altérée de 20 et 40% en moyenne (Calcium, Zinc et Magnésium 25%, Potassium 30%, Fer 35%). Le rinçage ou l’élimination du milieu de cuisson augmente encore ces pertes de 20 à 75 %, de même que le réchauffage (de 10 à 50% de pertes supplémentaires en vitamines).
La cuisson à la vapeur
Quand on parle de cuisson vapeur, on peut distinguer en réalité deux types de cuisson :
- La vapeur douce, à environ 95°C
- La vapeur dite « dure », dont la température est supérieure à celle-ci, réalisée avec un autocuiseur (ou « cocotte- minute ») permet certes de réduire le temps de cuisson par la pression engendrée, mais altère davantage la qualité nutritionnelle des aliments.
La vapeur douce au cuit-vapeur (<95°C) est la solution la plus intéressante pour optimiser la qualité nutritionnelle et la saveur des aliments. La plupart des cuits-vapeur possèdent un couvercle en forme de dôme pour permettre aux gouttelettes d’eau formées à partir de la vapeur de couler le long de la paroi, limitant ainsi la zone de contact avec l’aliment.Le cuit-vapeur est souvent utilisé pour cuire les légumes, mais il est également idéal pour bien d’autres aliments : fruits, légumineuses, volailles, poissons, etc. La vapeur douce préserve l’onctuosité de l’aliment et limite la formation de corps de Maillard, des composés que l’organisme ne sait pas éliminer naturellement. Avez-vous par exemple déjà testé le poulet cuit à la vapeur ?
Les fours à chaleur humide conservent davantage les propriétés et la tendreté des aliments comparativement aux fours à chaleur sèche, mais ils sont malgré tout responsables d’une altération de la qualité nutritionnelle. Il existe par contre des ustensiles de cuisson à la vapeur permettant de dorer légèrement les aliments par infrarouge tout en conservant une température inférieure à 95°C.
La cuisson à l’étouffée est un compromis intéressant pour compléter la liste des modes de cuisson préservant la qualité des aliments.
La cuisson au four
Elle permet de donner davantage de goût aux aliments en favorisant les réactions de Maillard à l’origine de la saveur caractéristique de la peau grillée du poulet cuit au four…, mais altère fortement la qualité nutritionnelle. Il en est de même concernant les cuissons sautées ou braisées.
La papillote
Il ne s’agit pas d’une cuisson à la vapeur. Portée à haute température (jusqu’à plus de 220°C), la papillote préserve moins la qualité nutritionnelle de l’aliment. Dans tous les cas, ne jamais mettre en contact un acide (citron, vin blanc, vinaigre) dans une papillote aluminium, préférez des ustensiles conçus spécifiquement pour cette cuisson, voire à défaut du papier sulfurisé.
Un petit barbecue ?
L’été approchant, la tentation peut alors être grande de partager un barbecue en famille ou entre amis… Malheureusement, la très haute cuisson au barbecue génère la production de benzopyrène pro- cancérigène (en particulier vis-à-vis du cancer colorectal) et de nombreux autres composés toxiques. Pour l’anecdote, selon les données du Journal Américain de Santé Publique 1 et les dosages alimentaires de benzopyrène de la Food and Chemical Toxicology 2, un steak de 100g cuit au barbecue contiendrait une concentration en benzopyrène équivalent à 120 cigarettes !
À noter que le benzopyrène, n’est pas la seule molécule capable de provoquer un cancer. Le benzopyrène fait partie d’une famille de molécules : les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Le chrysène et le fluoranthène sont par exemple d’autres composants de cette famille et eux aussi sont responsables d’une augmentation des risques de cancer 3. Les HAP regroupent plus de 100 molécules chimiques différentes. Elles se forment lors de la combustion incomplète ou lors de la pyrolyse de substances organiques 4. Plus précisément, en cas de cuisson sur le gril ou au barbecue, les HAP se forment lorsque la graisse et le jus de la viande grillée tombent directement sur un feu ouvert, créant ainsi des flammes et de la fumée. Les HAP adhèrent ensuite à la surface de la viande 5. A noter que la fumée issue de la combustion de bois contient également un nombre important de HAP6.
La cuisson à l’eau dite à l’anglaise
Elle favorise la migration de certains micronutriments dans le liquide de cuisson tout en maintenant les aliments à haute température pendant une durée importante. Limiter donc au maximum ce dernier et consommer dans la mesure du possible le jus de cuisson. La cuisson dans un grand volume d’eau présente un intérêt spécifique pour le riz, peut être riche en arsenic en fonction de son origine : penser alors à l’acheter bio, surtout quand il est complet (car il accumule l’arsenic), à bien le rincer avant de le cuire dans un grand volume d’eau, ce qui permet de réduire jusqu’à 57% la teneur en arsenic. Privilégier si possible le riz basmati issu d’Inde du Nord, du Nord du Pakistan et du Népal.
Ne jamais faire fumer une huile
Quand elle dépasse le point de fumée, une huile devient toxique. Il en est de même pour le beurre. Ne jamais le noircir et si vous cuisinez avec du beurre, privilégier alors du ghee ou du beurre clarifié.
La friture et les cuissons à haute température augmentent la quantité de graisses dans l’aliment, souvent constituées par ailleurs d’acides gras saturés ou de type oméga 6. Cuire à haute température les aliments favorise la formation des composés que nous avons évoqué, les corps de Maillard. Malgré leur goût souvent apprécié, ces composés ne sont ni reconnus, ni éliminés par l’organisme. Ils deviennent alors progressivement toxiques en accélérant le vieillissement cellulaire et en limitant l’assimilation des nutriments ingérés. En petites quantités, cette réaction chimique (se produisant déjà à de faibles températures mais en infime quantité) n’est pas néfaste. C’est l’excès qui est à limiter, d’où mon conseil de privilégier au maximum la cuisson vapeur et d’éviter les aliments roussis ou brunis par la cuisson. Frire à haute température des aliments riches en amidon (pommes de terre frites, chips, biscuits, beignets, biscottes, céréales, café lyophilisé, etc.) engendre également la production d’acrylamide, un composé reconnu comme neurotoxique à haute dose. Si vous faites griller votre pain, éviter de le noircir…
La cuisson au wok
Elle permet quant à elle de juste saisir les aliments et ainsi de limiter l’altération de leur qualité nutritionnelle. Elle peut donc représenter une cuisson complémentaire à la vapeur douce.
La cuisson aux micro-ondes
Le principe de la cuisson par micro-ondes consiste à agiter les molécules d’eau présentes dans l’aliment par l’intermédiaire d’ondes. L’Organisation Mondiale de la Santé s’est prononcé sans avis défavorable sur son utilisation et les pertes nutritionnelles sont faibles. Toutefois, à titre personnel, je le déconseille en usage régulier compte tenu de l’effet de déstructuration qu’exerce ce mode de cuisson sur les aliments.
Mes conseils
- Privilégier le cuit-vapeur permet de conserver au mieux le goût et la qualité nutritionnelle des aliments.
- La cuisson à l’étouffée représente également mais dans une moindre mesure un moyen de préserver la qualité des aliments.
- Limiter les cuissons au four et surtout les fritures et cuissons à haute température.
- Renouveler l’huile après chaque cuisson et choisissez une huile stable (olive, coco, à défaut tournesol). Ne jamais faire de fritures avec des huiles ayant subi plus de 10 cuissons.
- Éviter de noircir vos aliments, les consommer les moins brunis possible. Si vous êtes adepte de barbecue Je vous conseille de :
* Faire mariner l’aliment avant cuisson. La marinade réduit fortement la concentration de ces corps toxiques.
* Privilégier un barbecue vertical. Ce mode de cuisson limite la zone de contact entre les graisses tombées sur les braises et l’aliment. Le gaz peut nous aider à mieux contrôler la température de cuisson.
* Limiter la coloration de l’aliment au maximum et l’accompagner de végétaux frais pour faire le plein d’antioxydants en contrepartie. La plancha peut également être une alternative.
Anthony Berthou
Sources :
- Carcinogens in Tobacco Smoke: Benzo[a] pyrene from Canadian Cigarettes and Cigarette Tobacco, M.J.Kaisennan, W. S.Rickert, American Journal of Public Health, 1992
- Analysis of 200 food items for benzo[a] pyrene and estimation of its intake in an epidemiologic study, N.Kazerounia et al, Food and Chemical Toxicology 39, 2000
- Parada H, Steck SE, Bradshaw PT, et al. Grilled, Barbecued, and Smoked Meat Intake and Survival Following Breast Cancer. J Natl Cancer Inst. 2017;109(6):djw299. Published 2017 Jan 5. doi:10.1093/jnci/djw299
- Phillips DH. Polycyclic aromatic hydrocarbons in the diet. Mutat Res Toxicol Environ Mutagen. 1999;443(1-2):139–147.
- Agency for Toxic Substances and Disease Registry (ATSDR). Toxicological profile for polycyclic aromatic hydrocarbons. 1995. http://www.atsdr.cdc.gov/toxprofiles/tp69.pdf. Accessed June 2, 2016.
- Larsson BK. Formation of polycyclic aromatic hydrocarbons during the smoking and grilling of food. Prog Clin Biol Res. 1986;206:169–180.