Ce mardi 24 Janvier 2017, l’organe Français officiel de référence en matière de sécurité sanitaire et de nutrition, l’ANSES, a publié de nouvelles recommandations visant à actualiser (enfin !) les repères de consommation du désormais célèbre PNNS (Programme National Nutrition Santé), à la demande de Direction Générale de la Santé (DGS).
En effet, et comme le précise très bien le rapport dès les premières lignes, « L’évolution des données scientifiques au cours des dix dernières années a rendu nécessaire une révision de ces repères de consommations alimentaires et plus généralement celle du socle scientifique permettant d’asseoir les objectifs de santé publique en nutrition ».
Les principaux médias se sont alors empressés de relayer certaines conclusions. C’est ainsi que l’on peut lire sur la toile qu’il est officiellement conseillé de réduire la consommation de viande et de charcuterie ou encore d’augmenter la consommation de fruits et légumes. Mais ce rapport regorge de bien d’autres recommandations, certaines plus étonnantes que d’autres au regard des positions historiques de l’ANSES vis-à-vis de certaines données.
Voyons donc ce qui se cache derrière ces 280 pages…
En résumé
Ce nouvel avis de l’ANSES a le mérite de publier des recommandations actualisées sur un certain nombre de points :
- Une nouvelle méthodologie, considérant autant la qualité nutritionnelle que les risques de contamination grâce à l’utilisation d’un algorithme spécifique ;
- Une juste confirmation de l’augmentation des recommandations en terme de consommations de graisses déjà proposées en 2011, de 35 à 40% de l’apport énergétique total, incluant au minimum 500 mg d’oméga 3 issus des poissons (EPA + DHA) via une consommation hebdomadaire d’une source de poissons gras (sardines, maquereaux). L’avis mentionne également la nécessité de limiter la consommation de poissons fumés dans le cadre du cancer de la prostate. De même, l’avis recommande fortement la consommation des huiles riches en oméga 3 (colza et noix notamment. On pourrait rajouter l’huile de lin ou de cameline, et surtout vierge première pression à froid) ;
- Une limitation des recommandations de glucides à hauteur de 40 à 55% de l’apport énergétique total. La valeur haute mériterait toutefois d’être révisée à la baisse. Plusieurs évolutions positives sont à souligner :
- La précision de l’importance de privilégier des aliments glucidiques à index glycémique bas. Grande nouveauté ! ;
- La séparation des boissons sucrées du groupe de l’eau, une simple mesure de bon-sens ;
- La promotion plus forte de la consommation des légumineuses et des produits céréaliers complets. Là aussi, que du bon-sens mais qui aura le mérite d’être officiel, à condition bien entendu de privilégier l’origine biologique ;
- La création d’une catégorie à part entière pour les légumineuses, les isolant ainsi des produits céréaliers. Elles sont en effet dotées de qualité nutritionnelle bien supérieure (densité micronutritionnelle, teneur en protéines végétales, en fibres, index glycémique faible) ;
- L’annulation de distinction de recommandations entre les sucres ajoutés dans les aliments et les sucres naturellement présents. La valeur conseillée de 100g maximum par jour mériterait d’être revue à la baisse. Grand bien en fasse aux industriels du jus de fruits abusant souvent de discours marketing trompant le consommateur ;
- La confirmation de conseils initiés par l’OMS visant à réduire la consommation de viande (hors volaille) à hauteur de 500g par semaine et de charcuterie à 25g/jour. Là aussi, ces recommandations mériteraient d’être revues à la baisse au moins de moitié, en particulier concernant la charcuterie ;
- Pour la première fois en termes de recommandations officielles, l’ANSES ne conclut pas de manière catégorique à un effet favorable de la consommation de produits laitiers sur les risques de fractures. Elle considère en effet l’existence de données remettant en question les bénéfices des produits laitiers ;
- La confirmation d’une nécessité de prendre en charge le déficit en vitamine D de l’ensemble de la population compte tenu des apports actuellement insuffisants (notamment à travers un projet de possible complémentation) ;
- La prise en compte de la biodisponibilité variable des minéraux dans la matrice alimentaire, à l’instar des recommandations en Zinc variant selon la consommation de végétaux (pouvant le chélater et ainsi limiter leur assimilation). L’avis mentionne bien l’importance de développer les recommandations tenant compte de la biodisponibilité, mais reporte malheureusement le travail en ce sens… ;
- La recommandation de limiter les cuissons à haute température (fritures, grillades) ;
- La spécification de ces fameuses “portions” de fruits et légumes, à hauteur de 80g par portion. Une recommandation à hauteur de 400g par jour (5 portions de fruits et légumes) apparait toutefois insuffisante ;
- Une actualisation des besoins énergétiques moyens : 2100 kcal / jour pour les femmes et 2600 kcal pour les hommes.
Et surtout un point essentiel, nouveau : l’avis précise que si les recommandations évoquées sont respectées pour atteindre les valeurs nutritionnelles cibles, les teneurs en arsenic, en plomb, en BPA et en nickel (dont l’apport est jugé comme « préoccupant » pour les femmes) apparaissent quant à elles à un seuil pour lesquels un risque sanitaire ne peut être exclu.
En clair : pour atteindre la qualité nutritionnelle cible, la consommation de végétaux doit être plus élevée, engendrant de facto une exposition importante à la grande majorité des pesticides.
Toutefois, la conclusion de l’avis n’apporte pas de solution si ce n’est la mention évasive de la nécessité de prendre en compte les effets du mode de production sur la qualité nutritionnelle et les teneurs en contaminants des aliments. Et c’est pourtant bien là tout l’enjeu actuel en matière de nutrition : les systèmes actuels d’élevage, de culture et de production ont privilégié depuis plus de 60 ans la rentabilité économique à la qualité nutritionnelle, au détriment du respect de l’environnement et des animaux. Il est donc indispensable et urgent de considérer la situation à la base, à savoir considérer l’intégralité de la chaine de valeur alimentaire pour proposer des solutions holistiques, systémiques et prenant départ dans la valorisation des systèmes de culture et d’élevage respectueux de la planète et de l’assiette.
A l’image du colibri, c’est à travers nos choix individuels que nous permettrons à l’offre globale d’évoluer.
Pour les courageux souhaitant découvrir mon analyse plus détaillée de ces nouvelles recommandations, c’est par ici 🙂 .
Une nouvelle méthodologie, systémique
Le premier point, et non des moindres, est la méthodologie retenue par les experts de l’ANSES pour asseoir leurs recommandations. 3 objectifs principaux de la direction générale de la santé sont à l’origine de ce rapport :
- La demande d’une actualisation des recommandations du PNNS 2011-2015 (enfin…) ;
- Le besoin de clarifier la compréhension des groupes d’aliments en fonction de leur qualité nutritionnelle et de leur perception actuelle par la population ;
- Quantifier les portions, « si cette notion est utile dans la nouvelle formulation ». Bien sûr qu’elle est utile !
A cette demande, l’ANSES a répondu par une méthodologie considérant trois critères considérant par ailleurs les préconisations de l’organe européen légiférant sur les questions d’alimentation, l’EFSA, datant de 2012 :
- L’établissement de recommandations nutritionnelles visant à couvrir les besoins de la plupart de la population pour optimiser l’état de santé et prévenir des maladies chroniques liées à la consommation de certains aliments (heureusement !) ;
- Limiter les contaminations chimiques. Ce qui apparaît à juste titre comme une donnée nouvelle au regard des anciennes recommandations ;
- Prendre en considération les habitudes alimentaires (ça peut être utile…)
Source : ANSES
Par ailleurs, quelle ne fut pas mon agréable surprise de constater qu’un groupe de travail a été nommé pour analyser enfin l’impact de la biodisponibilité des micronutriments. Ce point déterminant est en effet novateur dans le cadre d’un tel rapport de santé publique. En voici toutefois la triste conclusion : « L’insuffisance et la disparité des données concernant l’influence des formes chimiques des nutriments, de la matrice qui les contient ou encore du régime alimentaire n’ont pas permis de définir des coefficients d’absorption qui puissent être utilisés lors de l’optimisation. Ils ne sont donc pas présentés dans cet avis de synthèse. ».
Quel dommage…
Un autre groupe de travail s’est quant à lui pencher sur l’identification les nutriments prioritaires en termes de santé publique, dont voici également la conclusion : « Il a été décidé que les repères de consommations alimentaires proposés devraient permettre de couvrir les besoins pour tous les nutriments, quel que soit le statut nutritionnel actuel de la population pour chacun des nutriments. ». Je suis bien conscient de la nécessité de définir une approche statistique collective, mais alors pourquoi présenter un groupe de travail dont la conclusion est de ne pas prendre en compte l’objet de leurs travaux… L’ANSES conclut ce point par « Ces travaux ont donc permis de rendre compte de la situation nutritionnelle de différentes populations et pourront servir de base pour l’élaboration de mesures de santé publique spécifiques ». Vivement la suite alors…
Un changement de référentiel
Les professionnels de la santé connaissent bien le terme utilisé jusqu’à présent pour évoquer les recommandations d’apports nutritionnels moyens, les ANC ou Apports Nutritionnels Conseillés. Au même titre que les AJR il y a quelques années (requalifiés en VNR), nous découvrons ici une nouvelle dénomination, la Référence Nutritionnelle pour la Population (RNP), définie en attribuant un coefficient de 1,3 à partir des besoins nutritionnels moyens (chiffre établi en considérant deux écarts-type).
Recommandations relatives aux aliments
Consommation de viande et de charcuterie
C’est désormais bien officiel, L’ANSES recommande de réduire la consommation de viande (hors volaille) et de charcuterie, précisant que « les consommations de viande hors volaille et de viandes transformées (incluant la charcuterie) augmentent le risque de cancer colorectal avec un niveau de preuve convaincant et le risque de maladies cardio-vasculaires et diabète de type 2 avec un niveau de preuve probable. En outre, la consommation de viande en général ou de viande hors volaille en particulier pourrait augmenter le risque de cancer du sein selon l’expression des récepteurs hormonaux aux œstrogènes (ER) et de cancer de la prostate, ainsi que le risque de prise de poids, avec toutefois un niveau de preuve « limité mais suggestif ». En clair, pour ces maladies considérées, l’augmentation de consommation quotidienne de 100 g par jour au-delà des recommandations de 500g par semaine augmente le risque de ces maladies de 10 à 20 %. Pour la charcuterie, chaque augmentation de 50g par jour au-delà de 25g/jour induit des augmentations de risque allant jusqu’à 50 %.
L’ANSES confirme par ailleurs le rapport de l’OMS (plus précisément du CIRC), estimant une augmentation du risque de cancer colorectal de 18 % par tranche de 50g de charcuterie consommée par jour.
Autre point méritant d’être souligné : un focus a également été réalisé à juste titre sur la limitation des cuissons à haute température (barbecue et autres fritures).
Boissons sucrées
Là aussi, les recommandations se précisent dans le bon sens. Le rapport précise en effet que « chaque verre de boisson sucrée supplémentaire par jour est associé à une prise de poids de l’ordre de 200 g gramme par an » et que « la consommation quotidienne d’un verre est associée à une augmentation du risque de ces maladies de l’ordre de 20 % par rapport à une consommation nulle ou exceptionnelle (de l’ordre d’une fois par mois) », sans distinguer les sodas des jus de fruits et c’est là le point nouveau et positif. Concernant la consommation de quantités moindres, l’ANSES ne se positionne toutefois qu’à moitié en précisant que « d’importantes augmentations de risque de prise de poids, de maladies cardio-vasculaires et de diabète de type 2 sont observées avec la consommation d’un verre de boisson sucrée par jour, sans information plus fine en dessous de ce seuil ». Je vous invite à ce titre à découvrir mon article sur les jus de fruits.
Fruits et légumes
Rien de nouveau. Cet avis aura au moins le mérite de préciser la notion de « portion » en la quantifiant à 80g, tout en conservant sa position de 5 portions de fruits et légumes conseillés par jour, soit 400g de fruits et légumes par jour. Des recommandations bien faibles au regard des bénéfices des végétaux…
Produits céréaliers complets
La position de l’ANSES est claire : « la consommation de produits céréaliers complets diminue le risque de diabète de type 2, de maladies cardio-vasculaires et de cancer colorectal avec un niveau de preuve probable. Le risque de diabète de type 2 est diminué jusqu’à 25 % pour les consommations les plus élevées. Le risque de cancer colorectal diminue de 20 % pour chaque consommation supplémentaire de 90 g/j ». Elle incite dans la suite du rapport à augmenter «considérablement » leur consommation. Nous y reviendrons par rapport à l’incidence d’une telle recommandation sur l’apport de contaminants.
Produits laitiers
Là aussi, les positions évoluent… à commencer par les conclusions sur les effets de la consommation de produits laitiers sur le cancer de la prostate : « la consommation totale de produits laitiers est associée à une augmentation du risque des cancers de la prostate (tout stade) : augmentation du risque de 7 % pour chaque augmentation de 400 g/j de produits laitiers et de 9 % pour chaque augmentation de 50 g/j de fromage) ».
Mais ce n’est pas tout… Pour la première fois en termes de recommandations officielles, l’ANSES ne conclut pas de manière catégorique à un effet favorable de la consommation de produits laitiers sur les risques de fractures, sans considérer l’existence de données remettant en question les bénéfices des produits laitiers : « En ce qui concerne le risque de fracture osseuse, le groupe de travail n’a pas permis de conclure quant aux potentielles relations entre la consommation totale de produits laitiers et le risque de fracture sur la base du petit nombre d’études disponibles publiées entre 2009 et 2013. Depuis cette analyse de la littérature, une étude (Michaelsson et al. 2014) a rapporté une augmentation du risque de fracture associée à la consommation de lait, uniquement chez les femmes. Compte tenu de ce résultat inhabituel, le CES « nutrition humaine » a mis à jour cette analyse de la littérature en juin 2016 afin de mettre en regard l’ensemble des données disponibles ». Les vieilles habitudes reviennent néanmoins quelques lignes plus tard en précisant que les résultats de cette étude n’ont pas été retrouvé dans d’autres études. Mais cette avancée à le mérite de préciser officiellement l’ouverture du débat…
Poissons
Nous reviendrons sur les effets de la consommation des poissons gras sur les apports en contaminants (conseillés à 1 fois par semaine en privilégiant les sardines et maquereaux), mais L’ANSES émet une nouvelle précaution là aussi intéressante, à savoir de limiter la consommation de poisson cuit à haute température ou fumé dans le cadre de la prévention du cancer de la prostate.
Habitudes alimentaires
Nouveau point favorable : les recommandations générales insistent fortement sur la consommation de produits céréaliers complets au détriment des produits raffinés, ainsi que sur le fait de privilégier les huiles riches en oméga 3 (huiles de noix ou colza) au détriment des huiles riches en oméga 6 (huile de tournesol). Une petite précision « vierge première pression à froid » aurait été un pas supplémentaire … Mais bon, n’en demandons pas trop à la fois ;-).
Création de deux nouveaux groupes d’aliments
Comme il n’est jamais trop tard, les légumineuses disposent enfin d’une catégorie à part entière et ne sont ainsi plus confondues avec les produits céréaliers. Il en est de même pour l’eau vis-à-vis du groupe des boissons . Une simple question de bon-sens me direz-vous, qui aura su se faire attendre.
Source : ANSES
Recommandations nutritionnelles par catégorie de nutriments
L’apport énergétique total
Les recommandations de dépense énergétique journalières sont désormais estimées à 2600 kcal/jour pour les hommes adultes et 2100 kcal/jour pour les femmes, en sachant que l’apport calorique issu de l’alcool a été écarté bien que celui-ci puisse pourtant représenter une valeur loin d’être négligeable (pour rappel, 1g d’alcool correspond à 7 kcal).
Ce besoin énergétique moyen a été considéré à partir de la triste situation pondérale de la population française, à savoir que plus de 40% d’entre-elle est en surpoids ou obèse et que le niveau d’activité physique (NAP) médian n’est que de 1,69 : ce chiffre ne parlera qu’aux avertis, mais il traduit simplement que la population générale est toujours particulièrement sédentaire…
Apports protéiques
Peu de changements sur ce point : les recommandations sont conformes aux conventions, à savoir un besoin minimal de 10 % de l’Apport Energétique Total (AET), réévalué à 12% pour les femmes de plus de 50 ans ou les hommes de plus de 60 ans peu actifs, dans la limite maximale de 20%. L’ANSES conclut que ce niveau maximal d’apport a été défini par prudence, sans disposer de données pouvant mettre en évidence l’existence d’un risque métabolique majoré en cas d’apports supérieurs. Concernant la qualité des protéines consommées, la recommandation précise juste qu’une vigilance ne se justifie qu’en cas d’atteinte des valeurs basses. En clair, vous pouvez manger des protéines (en quantité raisonnable) sans inquiétude.
Apports lipidiques
Ce point est particulièrement intéressant. Ces recommandations valorisent en effet davantage la place des graisses dans l’alimentation, tant quantitativement que qualitativement. Même si elles a déjà été révisée en 2011, l’augmentation de la part recommandée des lipides est confirmée, pour atteindre 35 à 40% de l’AET, la limite supérieure étant justifiée par la « valeur au-delà de laquelle le risque de déséquilibre énergétique et de ses conséquences éventuelles est accru ». Soit une conclusion au demeurant bien vaste…Mais bon, ne soyons pas trop gourmands, c’est déjà une belle avancée au regard des positions historiques.
Les recommandations d’apports en oméga 3 demeurent conforment à celles de 2011, à savoir un apport minimal quotidien moyen conseillé de 500 mg d’EPA et de DHA (issus des poissons gras et des algues). Je vous invite d’ailleurs à (re)lire mon article sur l’importance des manger « gras » par ce lien.
Concernant l’apport en acides gras saturés, seuls certains d’entre eux bénéficient d’une valeur maximale argumentée sur le principe de prudence vis à vis des risques cardio-vasculaires (8 % de l’AET pour le sous-groupe « acides laurique, myristique et palmitique »), tout en précisant que ces recommandations ne sont toutefois définies que sur la base d’études d’observation et non d’intervention formelle.
Apports glucidiques
La considération des conséquences d’un excès chronique de glucides insulino-secréteurs est aujourd’hui indispensable et urgente. Ces recommandations vont globalement dans ce sens si l’on considère que la part des glucides dans l’alimentation a été réévaluée à la baisse au profit des graisses depuis 2011. Les recommandations ont été définies sur la base d’un apport de glucides couvrant 40 à 55% de l’Apport Energétique Total.
Mais surtout, pour la première fois, les recommandations officielle prennent en compte l’importance de privilégier les glucides à index glycémique faible (voir mon article complet sur l’importance de la charge glycémique).
L’ANSES ne fait par ailleurs plus de distinction entre les sucres ajoutés et les sucres naturellement présents dans les aliments, fixant la limite maximale à 100 g / jour (en extrapolant à partir des données selon laquelle les apports en fructose augmentent les concentrations en triglycérides au-delà de 50g par jour et que la teneur en fructose est de 50% du saccharose). Cette valeur mériterait d’être revue encore à la baisse au regard de leur incidence sur l’insulino-résistance, notamment compte tenu de la méthodologie utilisée pouvant être considérée comme empirique au regard des données récentes dont on dispose désormais. La conclusion est toutefois sans équivoque : « L’analyse de la littérature réalisée dans le cadre de cette expertise montre qu’il existe un faisceau d’éléments convergeant vers des effets néfastes d’apports élevés en sucres qui rend nécessaire la diffusion de recommandations limitant les apports de sucres dans la population ».
Apports en fibres
Peu de changement de ce côté : les recommandations sont de 30g / jour pour limiter les risques de diabète, de cancer colorectaux et du sein.
Source : ANSES
Apports hydriques
Sur ce point, peu de nouveauté également. L’ANSES se réfère aux recommandations européennes issues de l’EFSA, à savoir 2 litres par jour pour les femmes et 2,5 litres pour les hommes, eau de constitution des aliments comprise. Ce qui représente au final un apport sous forme d’eau d’environ 1,5 à 2 litres par jour (voir mon article sur l’hydratation). L’ANSES ne souhaite par ailleurs pas se prononcer sur des recommandations de café et de thé selon l’argument « Du fait de la grande variabilité de sensibilité des individus à la caféine (Anses 2013), l’Agence n’est pas en mesure de proposer une recommandation de consommation de café et de thé ».
Vitamines et minéraux
L’analyse détaillée des recommandations en vitamines et minéraux fera l’objet d’un article ultérieur. Notons juste ici l’apparition justifiée de recommandations modulées selon les facteurs pouvant influer sur l’assimilation des nutriments ou les pertes. C’est ainsi que les apports en Zinc ont par exemple été définis en considérant la chélation possible par les phytates présents dans les produits céréaliers complets et les légumineuses, ou que les recommandations en Fer chez les femmes disposent désormais de valeurs basses et hautes selon l’importances des pertes menstruelles.
Concernant la vitamine D, la conclusion est enfin sans équivoque : « la couverture du besoin en vitamine D n’est pas atteignable compte tenu de l’offre et des habitudes de consommation observées. L’estimation du besoin alimentaire en vitamine D fait encore l’objet de nombreux débats scientifiques ». l’avis émet alors 3 orientations :
- Une complémentation personnalisée ;
- Des recommandations précises d’exposition solaire ;
- Un enrichissement des denrées en vitamine D piloté par les pouvoirs publics.
Cette conclusion aura le mérite de confirmer la problématique actuelle à couvrir les besoins de la population en vitamine D, même si le dernier point apparaît comme une véritable porte ouverte pour le marketing agro-alimentaire.
Source : ANSES
Recommandations générales
Au regard de l’algorithme utilisé par l’ANSES pour considérer des recommandations associant autant les besoins nutritionnels que les risques de contaminations, les conclusions apparaissent de bon-sens. Il est notamment clairement conseillé d’augmenter la consommation de fruits et légumes, de produits céréaliers complets, de légumineuses, de poissons gras, d’huiles riches en oméga 3 et au contraire de réduire la consommation de viande hors volaille, de charcuterie et de boissons sucrées. Précision importante : l’ANSES confirme que ces recommandations ne suffisent pas à satisfaire les besoins en vitamine D et il n’est pour une fois pas précisé que la consommation de produits laitiers mériterait d’être augmentée.
Mais, et c’est là la conclusion la plus importante à mon sens, la méthodologie informatique utilisée met en évidence une impasse décisionnelle. Il est en effet précisé que si les recommandations évoquées sont respectées pour atteindre les valeurs nutritionnelles cibles, les teneurs en arsenic, en plomb, en BPA et en nickel (dont l’apport est jugé comme « préoccupant » pour les femmes) apparaissent quant à elles à un seuil pour lesquels un risque sanitaire ne peut être exclu.
Voici une synthèse des remarques de l’avis : « La grande majorité (plus de 75 %) des pesticides présente une exposition supérieure à celle de l’EAT2 (qui constitue la valeur cible). Cette différence de niveaux d’exposition s’explique notamment, pour la majorité des pesticides, par des niveaux de consommation de fruits et légumes plus élevés, et pour un nombre plus restreint de substances, par des niveaux de de consommation de céréales plus élevés à l’issue de l’optimisation (…). Les travaux d’optimisation ont mis en avant la difficulté à identifier des solutions permettant à la fois de couvrir les besoins nutritionnels de la quasi-totalité de la population sans accroitre le risque lié à l’exposition aux contaminants, tout en restant dans la gamme d’apports alimentaires observés. Il a été nécessaire de relâcher les contraintes liées à quelques contaminants pour identifier une solution pour les hommes. En revanche, pour les femmes, un examen exploratoire a été conduit et n’a pas permis d’aboutir à une solution optimisée. Il a été choisi de ne pas prolonger cet examen dès lors qu’il aurait conduit à un trop grand nombre de relâchements des contraintes, eu égard aux exigences initiales (…). Il convient de souligner que pour certains contaminants, dans l’état actuel des estimations de contamination, la préoccupation sanitaire reste réelle. C’est notamment le cas pour l’acrylamide et le plomb. »
En clair : pour atteindre la qualité nutritionnelle cible, la consommation de végétaux doit être plus élevée, engendrant de facto une exposition importante à la grande majorité des pesticides. L’ANSES nuance alors les recommandations selon le sexe. Concernant les hommes, elle recommande les points suivants :
- Augmenter « considérablement » la consommation de légumineuses et de produits céréaliers complets, de poissons gras (au moins 1 fois par semaine) d’œufs ;
- Augmenter également la consommation de produits laitiers et de jus de fruits (les deux derniers points mériteraient bien entendu une nuance importante) ;
- Réduire « considérablement » la consommation de charcuterie (moins de 25g/j), de viande hors volaille (500g/semaine), de boissons sucrées ;
- Supprimer la consommation de lait compte tenu de sa teneur en arsenic, en chrome VI et de la présence officielle de 211 contaminants (contre « seulement » une centaine pour les autres produits laitiers) ! La conclusion officielle du rapport précisera une version plus modérée, à savoir remplacer cette réduction par une augmentation de la consommation de fromage.
Le meilleur étant toujours pour la fin (raison pour laquelle j’ai commencé par les hommes !). Concernant les femmes, la situation est encore plus claire… l’avis précise qu’il n’y a pas de solution.
Source : ANSES
La conclusion générale demeure pertinente et juste essentielle. Elle ne fait étonnement que l’objet d’une phrase sans suite : « Il faudrait affiner le travail d’optimisation en prenant en compte les effets de la matrice alimentaire sur la biodisponibilité de certaines vitamines et minéraux et les effets du mode de production sur la qualité nutritionnelle et les teneurs en contaminants des aliments. »
Et c’est bien là tout l’enjeu actuel en matière de nutrition : les systèmes actuels d’élevage, de culture et de production ont privilégié depuis plus de 60 ans la rentabilité économique à la qualité nutritionnelle, au détriment du respect de l’environnement et des animaux. Il est donc indispensable et urgent de considérer la situation à la base, à savoir l’intégralité de la chaine de valeur alimentaire pour proposer des solutions holistiques, systémiques et prenant départ dans la valorisation des systèmes de culture et d’élevage respectueux de la planète et de l’assiette.
A l’image du colibri, c’est à travers nos choix individuels que nous permettrons à l’offre globale d’évoluer.
Anthony Berthou
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